BÂMIYÂN
Jour 6 - Jeudi 9 Septembre 1976
La vallée de Bâmiyân se trouve dans ce que l’on appelle aujourd'hui “l’ancienne région Bactriane”, une région qui enveloppe les pays actuels de l’Afghanistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Centre d’un puissant empire et haut-lieu de civilisation, la région est considérée comme le berceau des empires des Perses et du Zoroastrisme.
La Bactriane est le lieu de toutes les histoires des princes grecs, scythes ou indo-parthes (originaire de tribus iraniennes vivant à l’est des Parthes) qui ont créé leurs légendes dans cette partie de l’Asie. On peut y citer la mort d’Alexandre ou la présence du roi Darius Ier.
DE PUL-i-KHUMRI à BÂMIYÂN
Réveil à 5 hres ! Départ à 6h 30.
Après un bout de route goudronnée, la piste commence à n'en plus finir.
Sur les sièges arrière de la Toyota, les cahots sont nombreux.
On s'arrête dans un village de yourtes. Les habitants sont des "Hazâras". A la campagne, les femmes ne portent pas le tchadri, ni le tchador. Les gens nous demandent des médicaments, surtout du collyre et de l'aspirine.

Les femmes Hazaras de la campagne ne portent pas le tchadri
Les Hazâras parlent le hazâragi, un dialecte persan avec quelques mots d'origine turque.
Ils représentent environ 30 % de la population afghane.
Ils sont presque tous chiites duodécimains, à l'exception d'un petit groupe à l'ouest de Dochi qui se rattache à l'ismaélisme, et de quelques populations sunnites.
La principale ville du Hazaradjat est Bâmiyân.
On s'arrête dans une chaikhana pour boire du thé.
Puis un arrêt au bord de la rivière pour pique-niquer : des oeufs durs, des pommes de terre et du pain.
Les gens sortent de partout et nous regardent.
Puis, voila, encore une panne de la voiture. La 2 ème Toyota a un pneu crevé.
Les mômes sortent de partout, alors qu'on se croyait dans un endroit complètement désert.
Ensuite le paysage devient magnifique, montagneux. On suit le cours d'une rivière. On s'approche de Bâmyân.
La forteresse SHAR-e-ZOHAK
Sur le chemin, on visite Shahr-e-Zuhak. Shahr-e-Zuhak est une forteresse, construite au 6 ème siècle pour surveiller la vallée de Bâmyân. Les vestiges se trouvent sur une colline au confluent des rivières Bâmyân et Kalu. Cette ville historique en ruines abritait autrefois 3 000 personnes.
La forteresse était la principale défense de la vallée. Elle a été contrôlée par les dynasties turques qui ont régné sur tout l'Afghanistan pendant des siècles depuis le 8 ème siècle. Au temps des règnes des rois shansabani, aux 12e et 13e siècles, elle protégeait l'entrée de la cité de Bamiyan, jusqu'à ce que, au 13 ème siècle, la ville fût détruite par l'armée mongole de Genghis Khan (en 1221).
La forteresse était protégée par des remparts, construits le long de la falaise abrupte, équipés de plusieurs tours de guet. Les tours étaient décorées, et sans portes, mais les soldats y accédaient avec des échelles, par mesure de sécurité. Au dessus des tours, un petit tunnel creusé dans la roche conduit à la cour du deuxième niveau.
Au sommet, d'où les gardes surveillaient l'ensemble de la vallée, on se rend compte de l'importance stratégique de cet emplacement. Et la vue sur les montagnes environnantes est magnifique.
Les ruines actuelles sont le résultat de la résistance des Shansabani à l'avancée de l'armée mongole conduite par Mutukan, le petit-fils préféré de Gengis Khan. La violente bataille provoqua sa mort. En représailles, Gengis Khan fit le serment de détruire la vallée, ce qu'il fit. Aujourd'hui, les visiteurs utilisent le même passage que les défenseurs de l'époque.
Shahr-e Zuhak est également connue sous le nom de "La ville rouge" parce que, disait-on, les routes et les remparts de la ville étaient devenus rouges à cause du sang versé.
Toutes les structures sont faites de briques crues posées sur des fondations pierreuses. En raison de l'exposition prolongée aux intempéries, du manque de mesures de conservation et de l'utilisation abusive pendant les périodes de guerre, de nombreuses constructions se sont effondrées, ou sont susceptibles de s'effondrer.
Eh bien, bof ! Elle est en ruines ! C'est bien moins spectaculaires que sur les images.
Au pied de la colline se trouve un hôtel qui s'appelle... le Red City Hôtel...
Les sources chaudes
Bof ! des sources... chaudes !
La montagne est très belle à cet endroit. On descend à pied. L'air est plus frais.
Arrivée à Bâmiyân
Bâmiyân est dans une vallée, mais à 2500 m d'altitude quand même, dominée par les sommets de l'Hindou-Kouch et de la chaîne du Koh-e Bâbâ. Elle est la capitale du pays des Hazaras. On est à 240 km au nord-ouest de Kaboul.
Le site est très touristique.
Il y a des boutiques qui affichent des prix ridicules, le coup de barre, et une ambiance déplaisante.
On loge dans le "Bâmiyân Yurts". Un hôtel de yourtes, vue sur la fameuse falaise aux Bouddhas.
Salle de bain commune. Les WC sont sales. Les douches n'ont pas d'eau chaude. On se douche à l'eau froide... glaciale.
Et on caille, car déjà à 18 hres il fait froid.
Le début de nos nuits grelottantes d'Afghanistan
C'est le début de nos nuits grelottantes d'Afghanistan. On est ici à 2500, 2700 m.
On s'équipe : deux pulls + Kway pour commencer. On dîne à 19h 30.
On se réunit, le soir, dans une de nos yourtes pour boire de la grappa, achetée l'autre jour, et on se couche à 22h 30.
Il fait un froid glacial. Je dors avec un pyjama, un poncho, une couverture, des chaussettes, un chapeau.
A minuit un groupe d'Allemands et d'Italiens de la yourte voisine, qui travaillent à Bâmiyân, ramènent des Américains et ils se mettent à boire et à causer fort. Impossible de dormir !
Puis c'est le froid qui m'empêche de dormir. J'ai grelotté toute la nuit.
Jour 7 - Vendredi 10 Septembre 1976
Je me suis réveillée avant l'heure prévue, à cause de la lumière du jour.
Visite des BOUDDHAS
La vallée de Bâmiyân était une étape bien connue de la route de la soie. Elle était l’un des points d’ancrage pour les cavaliers nomades originaires d’Asie Centrale, les commerçants qui reliaient l’Asie centrale au sous-continent indien. C’est pourquoi cette vallée abrite autant de vestiges.
Après la chute persane et l’invasion scythe, le bouddhisme a occupé toute cette région depuis le milieu du 1er siècle avant J-C et s'est affirmé comme religion dominante. Ce qui explique la présence de ces œuvres taillées à même la falaise.
Le bouddhisme a réussi à se maintenir jusqu’à la grande invasion arabe qui imposa l’Islam vers les années de 633 à 656 après J-C.
Le plus grand Bouddha date du 5 ème siècle, il fait 53 m de haut. Le petit date du 3 ème siècle, et fait 35 m.
Cependant les archéologues restent prudents quant à leur datation et estiment leurs constructions entre le 6 ème siècle et le 7 ème siècle de notre ère.
Les premiers récits qui nous sont parvenus et qui témoignent de la présence de ces monuments à Bâmiyân, nous ont été transmis par un voyageur chinois du 7 ème siècle, par le passage à Bâmiyân du moine Hiuan Tsang (Xuanzang) en 632. On lui doit la première description de Bamîyân et des Bouddhas. Il signale que la ville comporte alors 1000 moines vivant dans les cellules creusées dans la falaise.
Aux pieds de ces collines, dans des petites alcôves creusées à même la falaise, on aperçoit des grottes formant des chapelles ou des sanctuaires datant du 2e au 5e siècle de notre ère. Toutes ces alcôves sont reliées entre elles et forment un réseau de galeries abritant d’autres merveilles culturelles comme des peintures murales.
Les bouddhas de Bâmiyân sont au nombre de trois, voire quatre selon les dire de certains écrits, mais à ce jour seulement trois d’entre eux ont été découverts. Le 4 ème bouddha serait un bouddha allongé et mesurerait 19 m, il est mentionné dans d’ancien texte et serait enfoui sous les alluvions de la vallée.
■ Le grand Bouddha de 53 m de hauteur
■ Le petit Bouddha de 38 m de hauteur
■ Le Bouddha de Kakrak de 7 m de hauteur
Le matin, on est parti visiter les Bouddhas.
Les bouddhas de Bâmiyân.... ils se trouvent sous des échafaudages !
Cela fait 3 ans qu'ils sont sont sous les échafaudages !
On grimpe à l'intérieur des deux Bouddhas. Les marches du petit Bouddha sont les plus tuantes. On sort avec de sérieuses crampes. On est tout de même à 2700 m et je commence à souffrir de l'altitude.
La forteresse SHAR-i-GHOLGOLA
Shahr-e-Gholghola (Shahr-i-Ghulghulah) est également un site archéologique situé près de la ville de Bâmiyân.
C'est ici qu'a eu lieu le siège de Bâmiyân en 1221 lors de la poursuite par les Mongols de Jalal ad-Din Mingburnu, dernier souverain de l'empire Khwarezmian. Shahr-e Gholghola était réputée être la citadelle royale la mieux défendue de Bâmiyân.
C'est ici que Mutukan, fils de Chagatai Khan et petit-fils préféré de Gengis Khan fut tué au combat par une flèche des murs assiégés. Cette mort, aggravée par les lourdes pertes subies par ses forces pendant le siège a provoqué la colère de Gengis Khan au point qu'une fois qu'il eût capturé Bâmiyân, il l'a complètement détruite et il a massacré la population de la ville et de sa région environnante.
La destruction a été si complète que même les Mongols appelaient Bâmiyân "la ville des douleurs", ou la "ville du malheur" ou "City of Screams", en référence aux cris de ses victimes assassinées.
Après le siège, Gengis Khan a poursuivi Jalal ad-Din Mingburnu jusqu'en Inde.
Une croyance raconte qu'après que la population locale ait été anéantie, Gengis Khan a repeuplé la région avec certaines de ses troupes mongoles et leurs esclaves, afin de garder la région pendant qu'il poursuivait sa campagne. Ces colons seraient devenus les ancêtres du peuple Hazara - le mot "Hazara" étant très probablement dérivé du mot persan "yak hazar" ("mille") pour l'unité militaire mongole de 1000 soldats.
On grimpe. Il faut deviner, imaginer : il reste une tour.
Mais de là-haut, il y a un panorama superbe, la vue sur la vallée jusqu'aux parois de la falaise, les bouddhas, le grand, le petit, et au milieu le tout petit bouddha de la vallée de Kakrak.
Déjeuner à l'hôtel. L'après-midi, on déménage de yourte. Une salle de bain, des couvertures plus épaisses, une carafe d'eau potable, une brosse à cheveux et un... tue-mouches. Le luxe quoi !
LA VALLEE DU DRAGON
A 16 hres nous partons pour la vallée du dragon, à 5 km à l'ouest de Bamiyan.
Elle est également connue sous le nom de Dara Ajdahar. On l'appelle la vallée du Dragon parce qu'un séisme a provoqué une faille où s'est produite une coulée d'acide blanc, et cela fait penser à la queue d'un dragon.
C'est l'un des sites les plus grandioses que j'ai vus. Le désert.
La légende raconte que cette épine de roche fendue en deux est celle d'un dragon qui terrorisait le village en dessous, et se nourrisait de vierges et de chameaux. Toutes les tentatives pour le tuer se sont soldées par une fin ardente. Seul Ali, le gendre du prophète Mahomet, fraîchement sorti de la création des lacs Band-e Amir pouvait gérer la tâche. Le souffle brûlant du dragon se transforma en pétales de tulipes alors qu'ils léchaient autour du héros, après quoi il dégaina sa grande épée Zulfiqar et fendit le monstre en deux.
Grimpette pour y arriver !
Puis visite de maisons troglodytes, où vivent des Hazaras, qui nous demandent à nouveau du collyre pour les yeux.
Le soir, on est descendu au village pour écouter de la musique afghane. Mais ça s'est terminé tôt, à 21h 30.
On remonte à pied, c'est long !
Jour 8 - Samedi 11 Septembre 1976
La VALLEE DE FOLADI
Le matin, nous visitons la vallée de Foladi.

Il y a des troglodytes et des fresques bouddhistes, des rochers rouges. On grimpe. C'est de l'escalade et c'est dur.
Je manque de souffle, et ça glisse. La descente est encore plus difficile.

Dans la vallee de Foladi
La vallée de Foladi s'étend sur plus de 700 km² et est couronnée par le sommet de 5 050 m du Shah Foladi. Le sanctuaire bouddhiste taillé dans la roche comprend 50 grottes qui ont été construites le long de la rivière Foladi. Certaines de ces grottes ont des décorations de plafonds en lanterne et des fragments de peintures murales. La date exacte de construction du complexe Foladi n'est pas connue. Les chambres ont cependant été peintes entre le 5 ème et le 9 ème siècle après J-C.
La VALLEE DE KAKRAK
L'après-midi, visite de ce site bouddhiste à environ 3 km au sud-est du site de Bāmyān, composé d'un groupe de grottes, et d'un Bouddha d'environ 7 m de haut, debout avec nimbe et mandorle, sculpté dans la roche et faisant face à la vallée, que l'on appelle le petit Bouddha de Bāmyān. Il daterait du 5e/6e siècle.
On arrive dans un petit village et ensuite il nous faut marcher 2 km à pied pour atteindre le petit bouddha. Il est complètement en ruines. Mais la montée est moins dure que ce matin.
La soirée
Le soir nous sommes descendus au village, mais assez tôt pour participer dans un hôtel de la rue unique du village à une soirée de musique afghane. Les Afghans apprenaient à danser aux touristes. Il y a beaucoup d'ambiance. On s'amuse beaucoup. Une excellente soirée.
Après ça, on n'a plus envie de se coucher. Et une fois remontés à l'hôtel, à pied bien sûr, on termine la soirée au bar, où les Afghans essayent d'apprendre à danser le tango, et nous, leurs danses à eux.