L'Ile de Pâques en 1987

10 Juillet - 15 Juillet 1987

Jamais de ma vie je n'aurais imaginé un jour mettre le pied sur l'île de Pâques, fascinée que j'étais depuis mon adolescence, après avoir vu le film de 1971, de Pierre Kast, "les Soleils de l'île de Pâques" avec Françoise Dorléac.

En savoir plus sur le film ☞ ☞ ICI


Moi je me trouve à ce moment-là à Huahiné, en voyage en Polynésie avec mes amis Roselyne et Bertrand, et on loge chez le frère de Roselyne à Huahiné. Et le frère de Roselyne, lui, y est allé à l'île de Pâques, via une agence de voyages de Tahiti.
A l'époque, c'était très, très rare le tourisme sur l'île de Pâques.

Grâce à cette information, nous avons décidé d'y aller à l'île de Pâques ! Nous avons pu ainsi acheter un package de quatre jours sur l'île de Pâques, au départ de Papeete : un vol Lan Chile, et un logement chez l'habitant.


"Le nombril du monde"

L'expression "Te pito o te henua" est censée être le nom original de l'île depuis que l'ethnologue français Alphonse Pinart lui a donné la traduction romantique "Le nombril du monde" dans son "Voyage à l'île de Pâques", publié en 1877.



Carte © Jacques Leclerc


Le nom polynésien actuel de l'île est Rapa Nui

Depuis 1860. Il signifie "Grande Rapa". Il fait référence à sa ressemblance topographique avec de l'île de Rapa, dans l'archipel des Iles Australes en Polynésie française à 1400 km de Tahiti. Cependant, l'ethnographe norvégien Thor Heyerdahl a fait valoir que Rapa était le nom original de l'île de Pâques et que le nom de "Rapa Iti" lui avait été cité par des réfugiés originaires de l'île.

Le nom "île de Pâques", ilha de Pascua, lui a été donné beaucoup plus tard, par le premier visiteur européen, l'explorateur néerlandais Jacob Roggeveen, arrivé le dimanche de Pâques 5 avril 1722. Roggeveen l'a appelée Paasch-Eyland (en néerlandais du 18 ème siècle).



De 1500 avant J.C. à 800 après J.C les Polynésiens ont exploré un espace maritime immense, en plein coeur de l'Océan Pacifique.
On pense que les habitants polynésiens de l'île de Pâques sont arrivés vers 1200 après JC.
Selon la principale légende rapa nui, vers 500 après J.C. sept éclaireurs envoyés vers l'Est par les Polynésiens, ont un jour découvert l'île.



La légende d'Hotu Matu'a

La principale légende rapa nui fait état d’un chef de clan de l’île de Hiva (peut-être Nuku Hiva ou Hiva Oa dans l’archipel des Marquises), Hotu Matu'a, qui, confronté à des problèmes de surpopulation et de rivalités territoriales accrues dans sa terre d’origine, aurait envoyé sept grandes pirogues à la recherche de nouvelles terres inhabitées. L’une d’elles aurait trouvé l’île de Pâques.

Le chef Hotu Matu’a s’embarqua alors avec son entourage formé de son épouse Avareipua, de sa sœur, de ses prêtres et de son peuple, 100 personnes, ainsi que des animaux et des plantes destinés à assurer leur subsistance, pour s’installer sur la nouvelle terre qui prit alors le nom de Te kainga a Hotu Matu’a (="le peuple de Hotu Matu’a").

D'autres versions de l'histoire parlent d'une lutte de pouvoir. Après le court règne de son père, s'ensuivit une lutte pour le pouvoir entre Hotu Matu'a et son frère Ko Te Ira Ka Atea. Hotu Matu'a fut déchu et s'enfuit.

Certains chercheurs pensent que lorsque Hotu Matu’a est arrivé sur l’île de Pâques, elle était déjà habitée et qu’il a trouvé, outre l’igname, plusieurs moai debout.

Par la suite, les Rapa Nui ont immortalisé ces premiers découvreurs de l'île en représentant sept moaï à leur effigie.
Toujours visibles de nos jours, ils sont disposés sur l'Ahu Akivi, le seul ahu de l'île construit dans les terres et non sur le rivage.


"Ils créèrent une culture florissante et industrieuse, comme en témoignent les nombreux énormes moaï de pierre orientés vers la mer, qui regarderaient symboliquement en direction de leur île polynésienne natale. Ils bâtirent sur leur île une civilisation monumentale, considérée aujourd'hui comme l'une des plus singulières de l'histoire de l'Humanité".



Guerres tribales

Toujours selon la légende, au 17 ème siècle, de violents affrontements opposèrent les deux clans, les "Courtes oreilles" (descendants des premiers Rapa Nui) et les "Longues oreilles", arrivés plus tardivement sur l'île (qui, autre hypothèse, selon Thor Heyerdahl, seraient venus de l'Amérique précolombienne, du Perou), et mirent l'île à feu et à sang.

Ces guerres tribales furent sans doute provoquées par une raréfaction des vivres et des matières premières, suite à plusieurs bouleversements climatiques. Le défrichement des terres pour la culture et l'introduction du rat polynésien ont entraîné une déforestation progressive. Les Rapa Nui entrèrent dans une phase de décadence que l'arrivée des Européens allait bientôt aggraver.



L'arrivée des premiers Européens

Les Hollandais  ↝ En août 1721, l'amiral hollandais Jacob Roggeveen était à la recherche d'une autre île, "Davis Land", une île fantôme de l'océan Pacifique aperçue en 1687 par Edward Davis, un pirate qui effectuait des raids sur les colonies espagnoles situées le long des côtes du Mexique, du Pérou et du Chili, alors qu'il naviguait dans l'océan Pacifique au sud des îles Galapagos en direction du Cap Horn. Le 5 avril 1722, Jacob Roggeveen découvre fortuitement l'île de Pâques. Il restera seulement cinq jours sur ce territoire minuscule.

Les Espagnols ↝ En décembre 1770, l'espagnol Felipe Gonzalez y Haedo, également en quête d'un continent austral, parvint jusqu'à l'île, où il reste six jours. La Couronne espagnole en prend possesion et la baptise "Isla de San Carlos", en l'honneur du roi Carlos III.

Les Anglais ↝ En 1774, James Cook, de retour de l'Antartique, fait escale à l'Ile de Pâques pendant trois jours. Il la décrira longuement dans ses récits de voyage, mais ne voit en elle aucun intérêt stratégique pour l'Angleterre ou d'autres pays.

Les Français  ↝ La Pérouse (Jean-François de Galaup de La Pérouse), qui mène une expédition française dans le Pacifique Sud, atteint l'île le 9 avril 1786 dans la baie de Cook. Accompagné d'officiers et de scientifiques, il pénètre à l'intérieur des terres afin de visiter les monuments et les habitations rapa nui. Plusieurs plans précis en sont, pour la première fois, dessinés.

Un groupe va traverser l'île pour herboriser et semer des graines. L'autre fait le tour de l'architecture locale et des tombeaux. Lapérouse décrit avec précision des pyramides-mausolées enduites de chaux, des maisons immenses en forme de pirogues renversées pouvant contenir 200 personnes. Quelques maisons sont souterraines, les autres sont construites en joncs « très artistement arrangés qui garantissent parfaitement de la pluie. L'édifice est appuyé sur un socle de pierre taille de dix-huit pouces d'épaisseur, dans lequel on a creusé, à distances égales, des trous où entrent des perches qui forment la charpente, en se repliant en voûte, des paillassons de joncs garnissent l'espace qui est entre ces perches ». Il fait des prélèvements des pierres volcaniques utilisées pour les constructions des monuments.


SOURCES ☞ https://en.wikipedia.org/wiki/Easter_Island
Expédition La Pérouse - wikipedia
http://rapanui.fr


En 1722, la population de l'île était estimée à 2 000 à 3 000 habitants. Les maladies européennes, les expéditions d'assaut d'esclaves péruviens dans les années 1860 et l'émigration vers d'autres îles comme Tahiti, appauvrit encore plus la population, la réduisant à un minimum de 111 habitants autochtones en 1877.

↝ Le Chili annexa l'île de Pâques en 1888. En 1966, les Rapa Nui obtinrent la citoyenneté chilienne.


On est arrivé en pleinhiver austral

On est en hiver austral. On arrive sur une île aux herbes jaunes, tout est sec. Comme touristes, il y a nous trois, et deux autres femmes rencontrées une fois. Comme hôtels, un seul hôtel "de luxe"... Nous, nous logeons chez l'habitant. La nuit, seule dans ma chambre, j'entends des bruits très bizarres, comme des beuglements. On m'a expliqué par la suite qu'il y avait de nombreux handicapés mentaux dans l'île. Le fait vient de l'isolement de l'île et que les gens se marient entre eux, la cosanguinité...
On nous parle aussi d'un homme qui vit seul en ermite, dans une grotte...

Cathy, une française de 25 ans qui s'est mariée à un Pascuan de l'île, est notre guide, elle conduit le 4X4.
Je suis restée en contact un peu avec elle par courrier à mon retour en France. Ensuite on a cessé de s'écrire.


Sur les sites, face aux moaï, personne

Sur les sites, face aux moaï, nous sommes que nous trois, et Cathy notre guide.




Sur le port d'Hanga Roa


838 moaï sont recensés sur l'île

Les premiers habitants de Rapa Nui les considéraient comme leurs ancêtres ou des Tupuna, supposés être la réincarnation d'importants rois ou dirigeants de leurs clans. Les moaï ont été érigés pour protéger et apporter la prospérité à leur clan et à leur village. Chaque clan de l'île possédait les siens, disposés sur une plate-forme sacrée. Cette dernière, appelée "ahu", servait également de lieu de sépulture et était toujours installée le long des côtes.

Toutes les statues ont été érigées dos à la mer et face aux maisons, en symbole de protection. Selon la tradition, chaque moaï porte la responsabilité de la partie du monde qu'il regarde.



Le site de Tahai

Le site de Tahai se trouve au nord du village d'Hanga Roa, on peut s'y rendre à pied. Il est constitué de trois plateformes construites à des époques différentes, l'ahu Taha, l'ahu Vai Uri, et l'ahu Kote Riku.



L'ahu Vai Uri est le plus ancien. Par rapport aux moaï plus récents, il est plus petit, plus trapu, mieux proportionné. Par la suite, les têtes vont devenir démesurées par rapport au corps, les oreilles et le visage vont s'allonger. Les plateformes aussi vont évoluer, les premières ne soutiennent souvent qu'un moaï alors que les suivantes vont en soutenir de plus en plus.

Sur la tête il a un énorme cylindre d'une couleur rouge, le "pukao". Ce pukao représentait sûrement les cheveux qui étaient enduits de terre rouge, et qui étaient portés longs et coiffés en chignon.





L'intérieur des terres vu de Tahai

L'ahu Vai Uri - au fond, la ville de Hanga Roa


La côte ouest vers Tahai


Ahu Akivi

Ahu Akivi est un lieu sacré à Rapa Nui. Il se trouve à l'intérieur des terres et non le long de la côte, au pied du volcan Maunga Terevaka. Le volcan Maunga Terevaka, dans le centre-nord de l'île, culmine à 5061m (ou 5112m) d'altitude. Il est le plus grand et le plus haut volcan de l'île.


Le site de l'Ahu Akivi compte sept moaïs, de forme et de taille égales.
Il est également connu pour avoir été un observatoire céleste créé autour du 16 ème siècle.





Ahu Akivi au pied du volcan Terevaka


Ahu Nau Nau, les moaï de la plage d'Anakena

Selon la tradition orale, la plage d'Anakena, au nord-est de l’île, serait l'endroit où aurait débarqué Hotu Matu'a, l'ancêtre mythique des autochtones de l’île de Pâques. Le lieu devint la résidence de l’iwi (le clan) Miru, qui revendica descendre de Hotu Matu’a, et dont le chef (ariki) était l’Ariki Nui (le roi) de l’île. Les derniers héritiers du titre, Kaimakoi et son fils Maurata, furent tués par des esclavagistes péruviens en 1862.


Anakena possède deux ahus (les plates-formes de pierre) sur lesquels se trouvent des moaïs, ce qui pourrait indiquer que deux iwi (clans) auraient résidé à cet endroit.

Les moaï d’Ahu Nau Nau dominent la plage d’Anakena, tout en lui tournant le dos.
Ce sont 7 moaï dressés dont 5 sont encore intactes et portent encore leur pukao.





Les 7 moaï Ahu Nau Nau


Une caractéristique particulière de ces sept statues moaï identiques, est qu’elles font exactement face au coucher du soleil pendant l’équinoxe du printemps et tournent le dos au lever du soleil pendant l’équinoxe d’automne. Une telle caractéristique astronomique précise n’est visible qu’à cet endroit de l’île.

Une tête monumentale de 1,7 m d'un moaï, trouvée dans la baie d’Anakena (11e/15e siècle), et rapportée par la mission Métraux-Lavachery, a été offert par le gouvernement chilien au Musée de l’Homme en 1935. Elle se trouve aujourd'hui au pavillon des Sessions, une antenne du Musée du quai Branly au palais du Louvre. Le Musée du quai Branly possède en tout trois têtes de moaï.


La carrière du volcan Rano Raraku

Les mégalithes ont pour la plupart été façonnés dans la roche du volcan Rano Raraku. Le choix de ce matériau tient à son extraordinaire maléabilité : composé de cendres volcaniques compactées et de petits morceaux de basalte, il se prête parfaitement au travail de la pierre. Une fois chaque détail achevé, ils partaient ensuite pour leur destination finale.




Le volcan Rano Raraku, la carrière des moaï





Roselyne, Cathy et Bertrand sur le Rano Raraku


Nous avons le dernier jour loué un 4X4, sans Cathy. C'est Bertrand qui conduit.
Et nous sommes partis à la recherche d'une grotte dont on nous avait parlé... Nous ne l'avons jamais trouvée.




Sur la presqu'ile de Poike


Un vol de retour très inquiétant

A l'envol de l'avion Lan Chile, qui devait nous ramener sur Papeete, j'ai vu des étincelles sur le réacteur par le hublot.
On a alors ré-atterri sur l'aéroport. Ils ont réparé. On a re-décollé. A nouveau on a ré-atterri. Ils ont réparé.
Au troisème coup on est parti dans le ciel. Mais je n'étais pas franche. Je savais qu'entre l'île de Pâques et Papeete, il n'y avait que l'océan, et une seule île : Pitcairn, à 2 075 km... l'île des mutins du Bounty !


Je ne retournerai jamais sur l'île de Pâques

Parce que je ne veux pas voir ce qu'elle est devenue depuis l'invasion touristique.
Quand on n'y est allé, on était, nous trois, seuls face aux moai.

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