Les États-Unis

3 août 1972 - 25 août 1972

Jour 7 - Mercredi 9 août 1972

DE GRAND CANYON À LAS VEGAS

Walnut Canyon (Arizona) - Flagstaff - Hoover Dam - Lac Mead - Las Vegas (Nevada)

406 miles

Nous quittons le Grand Canyon à 8 hres du matin, et rencontrons des paysages beaucoup plus hospitaliers avec beaucoup de végétation.

WALNUT CANYON

Nous nous dirigeons vers le Walnut Canyon qui est de taille beaucoup plus petite que le canyon du Colorado, et qui est célèbre pour ses habitations troglodytes construites par les Indiens Sinagua il y a 8 à 9 siècles autour d'un méandre en forme de U dans le canyon. La présence d'eau dans cette terre aride avait fait du canyon une terre rare et précieuse pour ces premiers habitants humains. Pour des raisons qui restent mystérieuses, ils ont quitté le Walnut Canyon il y a 800 ans.

Un chemin fléché descend le long du canyon. Les rochers sont gris est recouverts d'arbres et d'une végétation très dense. Nous sommes enchantés de retrouver la verdure, les feuillages.

Nous passons le long des maisons troglodytes, ces abris où vivaient les Indiens des milliers d'années avant J.C. et où ils avaient créé leur civilisation. Nous pénétrons dans l'une d'entre elle, presque à quatre pattes, par un trou faisant office de porte. L'autre trou qui apparaît plus haut servait de cheminée. À la sortie du chemin, un musée explicatif raconte la vie que menaient ces Indiens, la façon dont ils allaient chercher l'eau, comment ils faisaient le pain, leurs outils etc.

FLAGSTAFF

Nous arrêtons à Flagstaff pour déjeuner. La ville est sans intérêt : quelques magasins.

HOOVER DAM

Notre prochain arrêt est le barrage Hoover, une des plus grandes réalisations des États-Unis. Nous remarquons que nous supportons très bien la climatisation dans le bus, c'est-à-dire que malgré l'air froid qui circule dans le bus, nous avons chaud, ce qui nous laisse pressentir une chaleur bien plus intense à l'extérieur. La réalité est pire que tout ce que à quoi nous nous attendions. La chaleur nous saisit.

Nous découvrons le barrage, imposant, qui retient le fleuve Colorado. Il fut construit entre 1931 et 1936. Nous sommes surpris de voir le Colorado d'un bleu aussi intense et nous repensons au petit triangle boueux que nous avions difficilement aperçu du bord du Grand Canyon.

LAC MEAD

Nous nous arrêtons ensuite au bord du lac Mead. C'est un lac artificiel créé par le barrage Hoover justement. C'est un lac très bleu, entouré de montagne, et ce paysage rappelle bizarrement la côte méditerranéenne. Quand il est plein il représente le plus grand réservoir d'eau des États-Unis.

LAS VEGAS

Notre dernier arrêt de la journée et Las Vegas où nous devons passer la nuit. Nous y arrivons vers 19 hres. La chaleur est étouffante : 102° F nous indique une pancarte. Il fait jour, et la ville le jour est sans intérêt.
Mais nous allons y passer une folle nuit.

Nous logeons à l'Université du Nevada, une université très moderne, située en dehors de la ville.

Notre chauffeur accepte de nous descendre jusqu'au centre. Jamais nous ne nous sommes habillées et maquillées aussi vite. Nous quittons l'université à 20h10. Le bus nous dépose à l'entrée du Strip, face au Caesar Palace.

Le Caesar Palace est un avant-goût des réalisations techniques de Las Vegas. Nous nous trouvons en face d'un grand bassin entouré de fontaines, de jets d'eau, tout cela éclairé d'une lumière bleutée.

Nos premières impressions de Las Vegas sont marquée par deux éléments :

- Tout d'abord le déploiement des illuminations à perte de vue, qui donnent à la ville son caractère fantastique.
- D'autre part le vent très violent et très chaud qui souffle toute la nuit et nous déporte, littéralement.

Nous commençons à descendre le Strip, émerveillé par les enseignes lumineuses plus fantastique les unes que les autres. Le Strip c'est cette longue avenue de 6,7 km bordée par bon nombre des plus grands hôtels et casinos...

Jackpot

Comme il est de tradition nous tentons notre chance au jackpot. Nous pénétrons au Silver Slipper, choisi tout à fait au hasard parmi toutes les boites qui se suivent le long du Strip. De l'extérieur on pense entrer dans un hôtel. Et tout de suite on se trouve dans une immense salle de jeux c'est-à-dire rempli principalement de jackpots, les machines à sous. Des dames d'un certain âge et en robes longues viennent s'installer au milieu de deux jackpots et passent ainsi des heures à manipuler en même temps les leviers des deux machines.

De temps en temps on entend la chute grisante des pièces de monnaie. C'est très impressionnant lorsqu'il s'agit de plusieurs dollars tombant en pièces de cinq cents, et encore plus impressionnant lorsque ce sont les pièces éclatantes d'un dollar qui tombent, que l'on ne peut trouver aux États-Unis que dans les villes de jeux.

Je change 1 dollar en pièces de 5 cents, décidée à ne pas tenter plus d'argent. Il est à remarquer que la plupart des gens d'ailleurs se précipitent plus facilement vers les machines à 5 cents que vers celles à 10 cents ou à 1 dollar. Les machines à 1 dollar sont aussi en nombre beaucoup plus réduit.

Mes premiers essais ne sont pas très fructueux, mes gains ne se montant (lorsque je gagne) qu'à deux ou trois pièces de 5 cents que je récupère aussitôt. Il a fallu que je m'arrête pour que aussitôt chutent 2,50 $ en pièces de 5 cents, ce qui me sembla interminable. Je m'en souviendrai de ce bruit grisant des pièces qui tombent et je crois que cela excite davantage que la valeur de l'argent lui-même.

Décidée à ne pas me faire avoir par la folie du jeu, je change mes pièces de 5 cents (que l'on recueille lorsque les mains ne suffisent plus dans des gobelets en carton) contre des dollars en billets, beaucoup plus sûrs à mes yeux, et je vais m'offrir, au Denny's, mon repas au frais de Las Vegas, en l'occurrence l'un de ces délicieux sundaes américains recouvert d'un dôme de Chantilly. Nous sommes assis toute une table de Français à semer la perturbation à l'intérieur du Denny's.

En sortant du Denny's nous rencontrons un autre groupe qui nous conseille d'aller aux Sandust où ils viennent de voir un spectacle de strip-tease. En général dans les salles de jeux se trouvent également un cabaret, un restaurant, et des salles plus sérieuses de roulette ou de Keno.

Pour la scène du Sandust se produisait alors un travesti, spectacle qui nous semble très populaire aux États-Unis puisque c'était déjà le deuxième auquel nous assistions. Puis passa une troupe de danseuses nues dansant sur la musique "Aquarius" de "Haïr". Et il faut reconnaître que c'était techniquement excellent. Nous avons là à Las Vegas la perfection technique que l'on trouve dans tous les spectacles américains.

Assister au show d'Elvis Presley

Nous avions d'ailleurs en arrivant à Las Vegas le souhait, que nous ne pensions pas réalisable, d'assister à l'un de ces grands spectacles qui ont fait la réputation de Las Vegas. Et quelle ne fut pas notre joie lorsque sur la route nous vîmes des pancartes annonçant le show d'Elvis Presley au Hilton Palace de Las Vegas "Now en stage" !!.

Assister au spectacle de Elvis Presley représentait pour nous deux intérêts primordiaux : assister à un spectacle de music-hall à l'échelle américaine, et voir Elvis sur scène, peut-être une chance unique, puisqu'il refuse tous ses contrats pour l'Europe. Il fallait donc tenter l'impossible. Nous ne savions pas où se trouvait l'hôtel Hilton, nous n'avions pas de réservation, nous ne savions pas à quelle heure commençait le spectacle.

L'hôtel Hilton se trouva facilement, quoique situé en dehors du Strip, grâce aux enseignes lumineuses. À l'intérieur les hôtesses nous renseignèrent facilement aussi quant au lieu du spectacle et l'heure : minuit.
Il était 23h 30.

Nous rejoignons donc une très longue queue de gens. Nous tentons de demander aux responsables s'il existe une possibilité d'assister au spectacle alors que nous n'avons pas de billet, en nous ventant d'être Français et de n'être à Las Vegas que pour une seule nuit. Ils nous font sortir de la queue et nous disent d'attendre là, en dehors de la queue. Et ensuite on nous fait passer devant tout le monde... Ce stratagème de dire qu'on est Français, opéra d'ailleurs à plusieurs reprises.

Nous ne savions pas où nous allions être conduits et en fait nous étions aussi très inquiets quant au prix du spectacle, que nous ignorions. Nous pénétrons ainsi dans la salle, une salle immense où sont disposés non des fauteuils de music-hall mais des tables de restaurant avec des chaises. On nous conduit vers quelqu'un qui parle le Français, à qui nous demandons avant tout le prix de la place : 13 dollars avec deux boissons incluses. Estimant que la soirée en valait vraiment la peine, nous nous laissons guider et on nous installe à notre grand étonnement à une table merveilleusement bien située au premier balcon, juste au-dessus de l'emplacement des éclairagistes, avec vue en plein sur le centre de la scène. Nous étions enchantés et n'arrivions pas à croire qu'en espace d'une demi-heure nous étions arrivés à être assis là, dans cette salle, à cet endroit.

Il est minuit le spectacle commence.

Sur la scène immense apparaissent trois filles noires, des "Sweet Inspirations", qui accompagnent Elvis Presley sur scène depuis 1969 et et qui chantent également indépendamment. Leur prestation est impeccable musicalement, vocalement, et scéniquement. Derrière elles, sur le fond de la scène sont projetées des diapositives les représentant. Ensuite passe un de ces Américains hilarant qui font rire tout le monde à part nous car nous nous ne comprenons pas son anglais, ou alors lorsque nous le comprenons et pouvons suivre l'histoire nous ne trouvons rien de propre à rire. Et il nous ennuie beaucoup.

Enfin, déchaînement de la musique, déchaînement des spectateurs, Elvis apparaît, tout de blanc vêtu, très à l'aise et très séduisant. Le hasard a voulu qu'à ce moment-même la serveuse s'amène pour prendre notre commande de boissons et ne me fasse rater toute l'entrée.

Elvis chanta une bonne heure, de 0h40 à 1h40 du matin. Il portait un costume blanc au pantalon clouté, une grosse ceinture de l'ouest, et une chemise bleue bariolée. Ses cheveux sont beaucoup plus longs qu'autrefois, et il a tout à fait un autre physique qu'au temps de sa grande célébrité.



Elvis a 37 ans. Il a bien forci. Cette photo n'est pas de moi, je l'ai trouvée dans l'Internet, mais elle a été prise en 1972 à Las Vegas. C'est exactement comme ça je l'ai vu, avec son costume blanc emblématique, sa chemise bleue bariolée, et son écharpe blanche.
Elvis décédera à l'âge de 42 ans, en 1977...

Sur la scène se trouve un grand orchestre, en plus de son orchestre personnel, plus son choeur, huit hommes et huit femmes dont les "Sweet Inspirations". Évidemment lorsqu'on aime Elvis Presley, l'entendre chanter en live est vraiment exceptionnel. Il interprète de vieux rock et ses vieux succès, et aussi de grands thèmes à la mode comme "My Way" ou "The Unreachable Star" ("To dream the impossible dream...).

Le spectacle qu'il donne en scène nous apparaît comme être la perfection de ce que l'on peut faire techniquement en music-hall. Je ne parle pas que de la musicalité, mais aussi du son, la salle étant en outre équipée en stéréo. J'ai reproché cependant la trop grande intensité de l'orchestre par dessus le chant (reproche très courant actuellement). Mais aussi la présence en scène d'Elvis et la mise en scène du spectacle. Ainsi, il semble qu'il connaisse chaque changement et chaque déplacement de lumière et les accompagnent de ses propres mouvements et déplacements. L'éclairage est magnifiquement réglé.

Ainsi, pendant l'un des grands airs d'Elvis, "An American Trilogy", la scène se trouve dans la pénombre puis s'éclaircit peu à peu dans un bleu clair irréel. Sa présence en scène se manifeste surtout par une décontraction extraordinaire.

Le spectacle est tellement réglé que même les improvisation et les fautes semblent tombées à point. Ainsi, il se trompe dans les paroles de ses chansons, s'arrête de chanter, arrête l'orchestre, puis lance une plaisanterie sur le faite qu'il s'est trompé, puis il reprend la chanson.

Peut-être n'a-t-il pas prévu cette erreur-ci, magistrale : au milieu d'une chanson, un fracas de verre se fait entendre dans la salle, causé par une serveuse, et Elvis se met à chanter calmement "Breaking to Heaven" au lieu de "Taking to Heaven". Fou rire de la salle ! Fou rire d'Elvis !

Les filles assises près de la scène crient son nom et il vient régulièrement embrasser l'une ou l'autre. Il n'y a pas de gorilles empêchant les effusions de ses admiratrices, celle-ci n'envahissent pas d'ailleurs la scène. L'une d'entre elle lui arrache son écharpe blanche. Elvis va en rechercher une autre, en lançant "de toute façon j'en ai des milliers" ! De ce fait ce petit manège se répétera plusieurs fois, les filles lui arrachant son écharpe et lui allant rechercher une nouvelle. Nous sommes tous ravis de cette soirée, émerveillés.

Il est 2h du matin quand nous quittons le Hilton palace. Le Strip est toujours aussi plein de monde. Nous risquons encore quelques 5 cents... sans profit.

Nous descendons le Strip en direction de l'université du Nevada. Le vent est toujours aussi chaud à 2 heures du matin. Nous passons devant une petite église, qui sert à célébrer les mariages de Las Vegas. Le Strip il est est long de plusieurs kilomètres, alors nous essayons de faire du stop. Ce n'est pas facile, à cette heure-l), sur cette avenue en plein centre de Las Vegas. En plus on est six, trois filles et trois garçons. Nous n'y croyons pas beaucoup et pourtant, une voiture s'arrête. C'est exactement un pick-up conduit par deux gars de las Vegas à qui nous demandons de nous donner un "lift" pour l'Université et qui du coup nous prennent pour des étudiants. Nous montons tous les six derrière sur la plate-forme et apprécions le vent frais créé par la vitesse. Nous n'oublierons jamais la vue du Strip illuminé s'éloignant derrière nous. Les deux gars avaient fait un détour pour nous conduire jusqu'à l'Université. Quand on se quitte, ils découvrent que nous sommes Français et enchantés ils discutent un moment avec nous.

Il est 3h 30 lorsque nous nous couchons...