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SANTIAGO

TARRAFAL

Le Centre pénitencier de Chão Bom

Dimanche 24 Février 2019

Hier il était trop tard pour visiter. Mais même aujourd'hui dimanche, on nous avait dit que ce serait ouvert.
C'est donc la première visite que l'on a faite ce matin.
C'est un épisode de l'Histoire que l'on ne connaît pas en France car c'est l'Histoire du Portugal.




Chão Bom se trouve à 2 km au sud de Tarrafal. C’est là que se trouve le camp de concentration ouvert en 1937, qui était tant redouté par les insulaires, et qui a été fermé en 1974 à la suite de la Révolution des oeillets au Portugal.

Camp de travail, Centre pénitentiaire, Camp de détention, Camp de concentration de Tarrafal... Bref, il a été inspiré par les camps de concentration nazis, avec l'objectif non déclaré d'éliminer les opposants politiques au régime fasciste du Portugal, dans un endroit ironiquement appelé... Chão Bom (le bon sol).



L'Histoire

Créé en 1936 sous le gouvernement de Salazar juste après le début de la guerre d'Espagne pour servir de colonie pénitentiaire pour des prisonniers de droit commun et pour les opposants politiques anti-fascistes, et syndicaux (Républicains, socialistes, et surtout les plus actifs, anarchistes et communistes…)

Ce camp concentrationnaire (appelé "Camp de la mort lente"), complètement isolé, symbolise une phase peu glorieuse de la présence portugaise en Afrique.

Ce lieu d’internement va servir notamment à enfermer les opposants politiques africains (Cap-Verdiens, Guinéens et Angolais durant la lutte de libération anti-coloniale entre 1960 et 1975).










Le pénitencier recevait les prisonniers rejetés des prisons communes sur le continent
ainsi que les prisonniers politiques.
La France avait le bagne de Cayenne, le Portugal avait le Chão Bom est-il écrit dans notre guide.

Les conditions d'incarcération étaient déplorables, les prisonniers étant soumis à une très mauvaise nourriture et à l'exécution de travaux forcés, en plus de l'absence presque totale de médicaments.

Les mots attribués à la fois au directeur du camp de concentration de Tarrafal, Manuel dos Reis ("Quiconque vient à Tarrafal vient mourir") et au médecin Esmeraldo Pais Prata ("Je ne suis pas ici pour guérir, mais pour signer des certificats de décès") sont très éclairants sur l'enfer auquel les prisonniers seraient soumis.

Les prisonniers vivaient dans des cellules de 3 m², avec seulement quelques trous d’1cm pour la ventilation. Les mauvaises conditions de détention étaient extrêmes. La totalité des prisonniers contracta le paludisme, souffrit des fièvres, de la soif, de la faim, des sévices et de la torture.

Beaucoup mouraient de maladies, la tuberculose et la malaria.

Les colis étaient détournés par certains directeurs, tous militaires, agents de la PVDE. Les médicaments et moustiquaires, envoyés par les familles, étaient confisqués par le médecin du camp le Docteur Esmeralda Pais Prata, qui les revendait dans son officine en ville.

Les survivants sont torturés. Les Portugais y ont commis les pires atrocités sur les prisonniers, racontées encore par la population, dont la torture du goutte-à-goutte consistant à faire couler des gouttes d’eau sur le crâne pendant une durée illimitée.






Le camp de Tarrafal est devenu un symbole de la répression du régime de Salazar

En Janvier 1946, les premières vagues de prisonniers sont libérées sous la pression populaire et la dynamique de la victoire en Europe sur le Nazisme. A sa fermeture (partielle) en 1954, 340 hommes y avaient accompli la somme de 2000 ans et 11 mois et 5 jours de détention. 32 y étaient décédés.

Les anciens détenus (Tarrafalistas) sont devenus des "héros" aux yeux des opposants au régime et du peuple portugais.

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Un musée de la Résistance

L’ancien pénitencier est aujourd’hui un lieu de mémoire qui se visite. Il a été transformé en musée ces dernières années.
C’est un musée de la Résistance, avec des témoignages émouvants rappelant cette sombre période.


Les noms des prisonniers morts à Chão Bom, écrits sur un mur sous forme d'hommage.

On peut visiter les anciennes cellules, le réfectoire, la garnison des gardes et le petit hôpital.
On trouve des photos d’époque ainsi que des objets ayant appartenu aux détenus.
Les explications sont uniquement en portugais mais la visite vaut le coup pour qui veut connaiître un peu l'Histoire du Portugal.














































A frigideira

(Littéralement la "poile à frire").

C'était un parallélépipède en béton exposé en plein soleil qui comprenait deux cellules identique séparées.
Murs et sol intérieur étaient en béton brut, il n'y avait aucune commodité, on y dormait par terre.

La porte d'accès était basse, en fer percé d'une ligne de cinq à six trous et surmontée d'un fenestron grillagé également en métal. Le jour les prisonniers cuisaient sous le soleil, la nuit ils grelotaient.

A trois ou quatre il était possible de s'allonger, mais on y enfermait jusqu'à vingt détenus souvent dénudés.


Les prisonniers qui ont séjourné le plus longtemps dans ce cachot sont très certainement Tomaz Ferreira Rato et surtout Gabriel Pedro qui a battu le triste record d'enfermement.
Ce dernier, blessé par les coups et désespéré y a tenté de se suicider en se déchirant les veines avec un bout de fer blanc arraché à un bidon. Il a été sauvé in-extrémis par ses camarades.