UDAIPUR
(Rajasthan)
Mardi 4 Septembre 1973
De Bombay à Udaipur
➣ Vol Bombay - Ahmedabad - Udaipur (Rajasthan)
Réveil à 9 hres. Départ à 11h 30 pour l'aéroport, direction Udaipur. Voila la 4 ème fois qu'on traverse les bidonvilles de Bombay. Nous ne sommes même pas sûrs que le vol aura lieu, car nous devons faire une escale à Ahmedabad, qui hier, était encore sous les eaux.
Arrivés à l'aéroport, le vol est maintenu. Il est annoncé pour 13h 30. Mais nous attendons l'avion pendant 2 hres, et nous décollons ainsi à 15 h15, après être passés par l'inévitable et désagréable fouille.
Je me demande dans quelle galère je me suis embarquée. Quel avion ! L'avion est un vieux viscount, à hélices, deux hôtesses en sari pas très souriantes, pas de climatisation. On se balance de tous côtés, de droite à gauche, de haut en bas. Et on manque d'air, c'est affreux. Je ne me sens pas rassurée du tout. C'est une vieille carlingue, on se demande comment ça va tenir le coup en traversant la mousson.
17h 15. On atterrit à Ahmedabad. Dans la descente, on découvre la campagne inondée, des mares d'eau. L'aéroport est trempé et il pleut encore. L'avion est stationné au milieu de la piste. Nous restons au pied de l'avion, car à l'escale, on ne peut aller plus loin, et il y a deux soldats armés au pied de la passerelle.
On se croirait en pleine brousse, car on est très loin de l'aérogare. L'un des soldats nous dit qu'il y avait hier encore de l'eau à la hauteur des genoux. C'est très folklo, sur la piste d'envol passe un char à boeufs, à côté de l'avion ! Nous restons ainsi, 20 minutes, faisant le tour de l'avion, on regarde de près comment il est construit (et si ça tiendra...).
Et l'avion décolle pour Udaipur, que l'on atteint en 25 mn.
UDAIPUR
Nous quittons notre pilote moustachu, qui est venu nous demander si nous n'avions pas eu peur... avec un grand sourire.
Un peu d'attente dans l'aéroport, comme d'habitude, le temps de faire sortir les valises. Une Indienne nous intrigue. Vêtue comme les Bouddhistes, elle marche de long en large dans l'aéroport, en tricotant un pull-over. Nous la regardons, elle nous regarde, elle nous intrigue.
Nous quittons l'aéroport. Tiens, il n'y a pas de mendiants à la porte !
La route entre l'aéroport et la ville est inondée. Les gens roulent à vélo, sans lumière (comme dans toute l'Inde).
La nuit tombe très tôt, à 19 hres, tout d'un coup, et c'est la nuit complète, il n'y a pas de période de semi-obscurité.
Nous apprenons que nous ne logerons pas au Lake Hotel comme nous l'espérions. Le Lake Hotel est le plus bel hôtel d'Udaipur. C'est un ancien palais de maharadja transformé en hôtel (comme plusieurs autres). Il est situé sur une île au milieu du lac. Le Lake Hotel fait partie de la même classe d'hôtel que le Taj Mahal Hotel de Bombay, les hôtels de luxe. Son seul défaut : étant donné sa situation dans le lac Pichola, il est assez isolé de la ville.
Mais nous, nous n'avons droit qu'à la classe en dessous.
Nous logerons donc au Laxmi Hotel. C'est un hôtel de style colonial, à vrai dire, pas très préparé à recevoir des touristes.
Udaipur, un climat délicieux, des montagnes, mais tout est inondé, il y a des mares d'eau et des arbres dans l'eau. La ville est entourée d'une enceinte, et on y pénètre par une porte. Les gens ont l'électricité dans leurs cabanes ! (enfin, une lampe, et parfois c'est une lampe à pétrole). Les boutiques ont, elles, des tubes à néon. Il y a beaucoup de vélos. On voit des chevaux pour la première fois. La région paraît riche. On ne voit pas de mendiants. Les gens nous font des signes de salut.
Laxmi Hotel
L'hôtel se trouve au bord du lac. Une vue magnifique, des fleurs magnifiques, des crapauds, des lézards qui s'enfuient au bruit de nos pas dans les escaliers, des moustiques dans la chambre, qu'un serviteur, qui ne parle pas un mot d'anglais, vient nous tuer avec sa bombe Flytox, modèle 1930, qui nous asphyxie, tant il en vaporise. Dans la salle de bain, il faut ouvrir les robinets de la baignoire pour faire couler l'eau de la douche, et l'inverse pour la baignoire. Il n'y a que trois filets d'eau pour la douche...
La nourriture est infecte. C'est l'hôtel où nous avons le plus mal mangé. les serveurs ne sont pas aimables du tout. Cet hôtel a été le point noir d'Udaipur, qui sans cela, est une merveille, parce que ce n'est pas une ville envahie de touristes.
Mercredi 5 Septembre 1973
La ville d'Udaipur
Udaipur est située dans le sud du Rajasthan, à proximité du Gujarat. La ville s'étendant sur 37 km². La rivière Ahar, un affluent de la rivière Berach coule au nord-est de la ville.
Udaipur est communément appelée la "ville des lacs" ou la "Venise de l'est". Ses deux lacs sont des lacs artificiels. Le lac Pichola a été créé au 13 ème siècle avec des îles situées à l'intérieur. Le lac Fateh Sagar, au nord du lac Pichola, a été construit par le Maharana Fateh Singh (1884-1930).
Les rues font penser à l'Afrique, et aux pays musulmans. Les femmes sont très différentes ici. Elles ne portent pas le sari mais une jupe et un voile, souvent rouge, avec lequel elles se cachent le visage quand elles nous voient. Leur faciès est différent. Elles portent des anneaux dans le nez et beaucoup de bijoux. Elles marchent pieds nus. Les enfants sont adorables. Quand nous passons, ils nous lancent des "Good morning". Cela se fait beaucoup en Inde. Que ce soit le matin ou le soir, les enfants nous disent toujours "Good morning", et nous leur répondons "Good morning".
■ Les jardins du maharana
Nous allons d'abord visiter les jardins du maharadja, ou plutôt, du maharana, car, nous raconte le guide, lors de l'invasion moghole, tous les maharadjas se sont soumis, sauf celui d'Udaipur. Le mot "maharana" signifie "au-dessus du maharadja", supérieur au maharadja. Il n'y a qu'à Udaipur qu'il porte le nom de "maharana".
Nous nous trouvons aux côtés d'un groupe de touristes Indiens. les femmes se cachent leur visage.
On nous montre le siège du maharana, et en face, celui des jeunes filles qui dansaient autour du bassin...
■ Le musée d'Udaipur
Puis nous allons visiter ce qui est fait l'intérêt d'Udaipur, son musée. Une grande partie est consacrée aux marionnettes. La troupe d'Udaipur a fait le tour de l'Europe, et a gagné un prix à un concours mondial. Ce sont des poupées magnifiques (ne pas oublier d'en rapporter une) et nous assistons à une démonstration.
Il y a aussi une salle où sont exposées des photos représentant les costumes des diverses régions de l'Inde, des photos de femmes magnifiques.
Autre intérêt : les temples portatifs. Ce sont des boîtes de grandeur variables, qui représentent des petits temples, avec la statue d'un dieu, et qui se déplient, et que l'on porte sur la tête lors des cérémonies.
Dans la rue, devant le musée, le spectacle a aussi beaucoup d'attrait. Nous restons là, un moment, à regarder juste le spectacle de la rue : femmes, chariots, carrioles à chevaux ornés de fleurs... et on braque l'appareil photo à chaque minute.
■ Le palais du maharana
Le palais Shiv Niwas a été construit par le Maharana Udai Singh II en 1559 et par ses successeurs sur une période de 300 ans. Il est considéré comme le plus grand palais royal du Rajasthan. Il hébergeait le maharana et sa famille, mais servait aussi de centre d'administration du royaume.
Il est situé au sommet d'une colline sur la rive est du lac Pichola. On nous montre la baignoire, faite d'un seul bloc en marbre.... chaque fois que le maharana prenait son bain, on lançait des pièces d'argent au peuple.
Le palais ressemble à un palais musulman. Les Moghols venaient d'Afghanistan, et ont envahi l'Inde jusqu'à Delhi.
On nous montre :
→ Le harem, enfermé derrière des murs, les jardins et les cours intérieures autour desquelles les filles dansaient.
→ Le siège du maharana en hauteur.
→ La chapelle construite pour une princesse qui s'est suicidée pour ne pas épouser le prétendant de son père (au 19 ème siècle) qui voulait ainsi unir deux états, et une série de petits temples. Le style est toujours moghol.
→ Le temple du soleil
On adorait un énorme soleil d'or pour que tombe la pluie. En face de la salle à manger se trouve un autre soleil, sur le mur extérieur, plus petit, qui était destiné à l'adoration par le peuple. Le grand soleil, à l'intérieur de la pièce, était seulement pour le maharana.
→ La salle à manger : dans les incrustations, des pierres sur le mur. Avec une torche électrique on peut distinguer de minuscules sculptures représentant la salle à manger avec les gens assis autour de la table.
L'après-midi
L'après-midi, une visite des temples est prévue, mais voilà, qu'en cours de route, la pluie se met à tomber, et nous avons droit à une de ces averses ! Les routes se remplissent d'eau. C'est très compliqué quand un autre car arrive en sens inverse et qu'on est sur une route tortueuse de montagne.
Les temples
■ 1) Le temple que nous devions visiter se trouve à des kilomètres d'Udaipur, caché dans la montagne. Et voilà, qu'à cause des pluies, le car ne peut plus aller plus loin, et nous avons le choix entre y aller et nous taper 20 mn de marche à pied sous l'averse, ou ne pas y aller. La décision est vite prise : on y va. On remonte les pantalons jusqu'aux genoux, on prend les parapluies, on enlève nos chaussures, comme les Indiens, on marche dans la gadoue, on traverse des mares d'eau boueuse, rougeâtre, on en a à mi-mollets.

Les Indiens se marrent en nous voyant passer. On est très vite trempés de la tête aux pieds.
Le temple en vaut la peine. Rose, pas en marbre, mais en pierre, la pierre rose de la région. Déjà une partie est noyée dans les eaux. Le temple est recouvert de sculptures. Toutes les colonnes sont ornées de minuscules sculptures qui représentent des danses. Les visages ont tous été mutilés (par les Moghols). L'emplacement où se trouvait autrefois la statue du dieu est envahi par les chauve-souris.
Ce temple date du 11 ème siècle. Il est perdu au milieu des eaux. Le paysage évoque en nous le film "la 370e section". Quelques Indiens sont assis, ils nous dévisagent. Evidemment, on a une de ces allures ! Jeans retroussés, t-shirts, parapluie à marguerites blanches...
Le retour est plus facile. Il pleut moins. Nous voyons des vautours tournoyant, et cela nous intrigue. Nous en trouvons la raison : une charogne ensanglantée se trouve pas loin, un chien est en train de la déchiqueter, et les vautours attendent. C'est assez impressionnant.
Nous voilà arrivés au car, nous sommes pas mal secs. Un petit nettoyage rapide, et nous repartons, en arrière, le long du lac, sur une route plutôt cahoteuse.
■ 2) Nous allons visiter un second temple, qui, celui-ci, est encore en activité. On y accède par un très haut escalier de marbre de 32 marches. Il est situé en plein milieu d'une place très animée : chariots, chèvres, vaches ...
A l'entrée se trouve une rangée de filles et de garçons, assis de chaque côtés du passage, et qui vendent des colliers de fleurs magnifiques à 1 roupie. Ce sont les offrandes que les gens achètent pour offrir au dieu.
Nous arrivons en plein milieu d'un office. Il est interdit de prendre des photos dans ce temple. Le culte est dédié à Vishnu. Les gens sont assis et chantent, un chant très beau. Le prêtre essuie ce que j'ai d'abord pris pour un vase (noir), mais qui représente... le dieu Vishnu, avec de grands yeux blancs immenses, peints. Il l'essuie avec un chiffon imbibé d'huile pour le faire briller. Le prêtre n'a pas d'habit particulier, il semble comme les autres.
Le temple Jagdish (milieu du 17 ème siècle)
Ce temple est dédié à Jagannath, avatar du dieu Vishnu, l'un des dieux les plus vénérés en Inde du Nord. Construit en 1662 par le maharana Jagat Singh Ier (Dynastie des Mewars), il est un exemple de l'architecture indo-aryenne avec des décorations sculptées à même la pierre.
Au milieu, le temple principal est dédié à Vishnu, tandis que dans les coins, les quatre petits sanctuaires sont dédiés à la déesse Surya, à Durga Devi, à Shiva, et à Ganesh. Au pied du temple principal, on aperçoit une pierre usée par les mains des fidèles. Selon les croyances, elle guérirait ceux qui la touchent.
Le temple est immense. Des cours, des petits temples qui renferment des statues des dieux, beaucoup de Ganesh et d'éléphants sculptés.
On observe un joueur de tambour qui est en train de chauffer la peau du tambour au dessus du feu pour la tendre plus ou moins, afin d'accorder son instrument.
Il y a des singes.
Au retour, nous continuons à marcher pieds nus. Un peu plus, un peu moins, nos pieds sont tellement sales maintenant.
Nous voyons sur le chemin du retour un coucher de soleil magnifique sur les montagnes.
Le soir
Le soir, nous allons faire un tour de ville, à six. Il est entre 22 hres et 23h 30. La ville n'est pas très animée, mais il y a encore quelques boutiques d'ouvertes. les hommes discutent dans la rue, mais nous ne voyons aucune femme. Il y a des vélos, des voitures. Les postes de radio marchent à tue-tête. On patauge dans les flaques d'eau, et dans la gadoue. Les vaches sont vautrées au milieu des rues, installées pour y passer la nuit. Les vélos les évitent. Ils n'ont pas de phares, et on ne les voit pas foncer sur nous. le pire, c'est quand on s'est trouvé face à face à une vache, et une voiture nous doublant sur notre gauche, et un vélo venant de l'autre sens sur notre droite. On se croit au Moyen âge, s'il n'y avait pas la radio, le vélo, la voiture...
L'une de nous achète des pommes. Mais comme en Inde les sacs en papier sont inexistants sauf dans les grandes villes, ils nous enveloppe tout dans un morceau de papier journal. Et voilà que sur les trois pommes, deux glissent du papier journal et tombent dans la boue. Evidemment, il n'est pas question pour nous qui sommes tant effrayés par les microbes, de ramasser les pommes. mais aussitôt deux Indiens, se trouvant là à cet instant, se sont précipités pour les ramasser.
Au retour, on tombe nez à nez (en allumant nos lampes électriques pour discerner quelles sont les deux ombres mystérieuses face à nous) face à des ânes. Puis, c'est un petit crapaud, minuscule, dans une flaque d'eau.
Les gens dorment sur les bas côtés de la route, sous un abri. Il y a une vingtaine de personnes, allongées là.
Jeudi 6 Septembre 1973
■ Visite des jardins sur l'île
Balade en barque, très beaux oiseaux à longues pattes fines jaunes.
■ Visite d'un autre temple, moins impressionnant. Il est ouvert aux touristes, on a le droit de prendre des photos. C'est un temple dédié à Vishnu, qui est représenté encore en noir. Mais le guide me dit que cette couleur n'a aucune signification particulière, c'est simplement parce que c'est la pierre de la région qui est noire.
Puis on nous arrête sur la place du village. Nous allons acheter des marionnettes, et nous remontons vers l'hôtel sous un soleil brûlant.
A peine arrivés, le ciel se couvre, de gros nuages noirs apparaissent, et en 5 mn la pluie arrive.
L'après-midi, nous restons jusqu'à 15h 45 au bord du lac ensoleillé. Quelques instants privilégiés de repos.
➣ Vol de Udaipur à Jaipur
Nous partons pour l'aéroport, où nous retrouvons notre Indienne tricoteuse. J'apprends alors que son travail à l'aéroport est de... fouiller les voyageurs.
Nous prenons un vol pour Jaipur. Un vol très chouette en boeing 737. Hôtesses souriantes, coucher de soleil rouge sur fond bleu, puis un arc en ciel ! et des éclairs au loin. le vol a été calme, pas de trous d'air comme nous avions eu dans les vols précédents.