BÉNARÈS

(Uttar Pradesh)



L'Uttar Pradesh

Bénarès ou Varanasi est la ville la plus sacrée de l'hindouisme et du jaïnisme. Située sur la rive gauche du Gange, la plus sainte des sept rivières sacrées de l'Inde, la ville est considérée comme l'une des plus anciennement habitées du monde. Dédiée principalement à Shiva, elle est la cité qui accueille le plus de pèlerins en Inde. Son rôle de capitale religieuse de l'hindouisme, du bouddhisme et du judaïsme en a fait un grand centre de pèlerinage depuis plusieurs millénaires. Il est bénéfique de mourir et d'être incinéré à Bénarès.


De Khajuraho à Bénarès en car

Samedi 15 Septembre 1973

On est parti à 7 hres du matin, on est arrivé à 17h 30.

Départ à 7 hres de Khajuraho après un petit déjeuner délicieux (du café, du bon jus d'orange, de bons toasts).
On s'arrête à un temple que l'on n'avait pas visité la veille, parce qu'il se trouve plus loin que l'ensemble principal.
À l'intérieur se trouve une statue de Shiva.

Et on reprend les routes à nouveau. On s'arrête de temps en temps dans de petits villages isolés où les gens sont terriblement accueillants. Parfois il n'y a que des groupes de cases, de paillotes. On n'y entend aucun mot d'anglais. Tous les panneaux sur la route sont écrits uniquement en hindi. Pas de traduction ! Parfois, on se croit en pleine brousse.

Le paysage est très beau. Nous traversons une forêt "vierge" où l'on voit des singes, des oiseaux, des paons. Puis ce sont des collines d'où l'on a de superbes panoramas, et des rizières, énormément. C'est la première fois que je vois des rizières, des bananiers, de la canne à sucre... Et les cocotiers ! Avant, je n'avais pas d'images derrière ces mots. Les gens travaillent dans les rizières, portent des chapeaux de paille pointus, un peu comme les Chinois.

A chaque coup de frein, c'est une vache que le chauffeur évite.
Et les barrières ! Des barrages, des barrières pour rien, où il faut payer, ou signer.

Et les passages à niveau : fermés un quart d'heure avant le passage du train. C'est alors l'attroupement : les gosses, les vélos, les vendeurs de bananes et de pommes, les vaches. Et quand l'une d'elle s'avance sur la voie !!!... On n'a jamais autant mangé de bananes, qui sont très bonnes, d'ailleurs.

Et puis un sifflet au loin, un teuf-teuf, un train très lent lorsqu'il transporte des marchandises, et plus rapide quand ce sont des trains de voyageurs. Tout le long de notre route, un train nous suivait. Alors, nous avons eu droit à chaque fois à un passage à niveau... fermé.

En chemin, on s'est arrêté dans un petit village où notre chauffeur en a profité pour s'acheter quelques friandises. Il nous en a fait goûter : une boulette de farine avec du miel et du sucre. Ce n'était pas trop mauvais, mais extrêmement écoeurant, beaucoup trop sucré.

A un arrêt sur la route, nous voyons une école en pleine campagne, en plein air, les enfants assis par terre.
A côté un homme fait sa toilette, et nous suivons avec curiosité cette toilette ultra rapide, et la façon astucieuse qu'ont les Indiens pour confectionner leur slip : un pagne autour des hanches, ils passent une extrémité entre les jambes, et la coincent derrière dans la ceinture.

Et puis il y a eu ce fameux pont. On était en route depuis le matin, et on y arrive vers 15 hres de l'après-midi, après tous ces kilomètres déjà parcourus. Nous ne savions pas si nous allions pouvoir passer ou rester bloqués là. Le pont est inondé, l'eau le recouvre. Avant de le traverser, l'aide-accompagnateur du chauffeur est descendu pour aller demander la bénédiction dans un temple sur la route. Arrivés au pont, on se lance et... ouf, on y arrive. Il faut dire que le premier passage de pont que nous avions fait m'avait paru plus impressionnant, et pourtant celui-là il était complètement recouvert par l'eau. Sans doute, devenais-je rodée...

Durant ce trajet en car, j'ai eu l'impression que les gens avaient l'air heureux à la campagne. Ils ne demandaient pas de backchich. Mais on ne pouvait pas se parler (la langue !). Dès qu'on s'arrêtait, il se formait un attroupement. On était l'événement du jour dans ces coins perdus où les touristes ne s'arrêtent pas.


L'arrivée à Bénarès

Nous traversons le Gange par un pont très grand. Le fleuve, ici, est magnifique sous le soleil du soir, rosé. Le Gange me paraît moins sale que ce que j'imaginais, ici tout du moins. Il est très large, il y a des îles.

Puis c'est l'entrée dans Bénarès. cela me rappelle Bombay en 100 fois plus sale. Pourtant cette fois, avec le temps, je me suis un peu habituée à la saleté de l'Inde. Et pourtant c'est pire que tout ce que l'on peut imaginer. Quand je pense qu'on dit que Calcutta est pire que Bénares...

On croise de ces "personnages" ! Les "sages" à cheveux longs, à moitié nus, les vaches, la moitié de leurs pattes enfoncées dans la boue. Pourtant tout le monde sourit, et nous fait signe.

Hôtel Clarks


On arrive à 17h 30 à l'hôtel Clarks.
Style colonial, mais mobilier et chambres ultra modernes.


Dimanche 16 Septembre 1973

Visite de Bénarès

Le matin

■ La visite au fleuve et aux ghâts.

On a été réveillé à 5h 30 avec un café dans la chambre (early morning coffee...)
À 6 hres on est parti pour les ghâts, ces immenses escaliers que l'on descend pour se baigner dans les eaux purificatrices du Gange et où brûlent les bûchers funéraires.

Déjà il y a foule. Il y a de la gadoue partout le long du Gange. C'est dégoûtant de saleté. Les gens se baignent, se jettent dans l'eau, ou font des immersions, deux, trois fois à la suite.

On monte à bord d'une barque. Elle avance difficilement car (c'est la mousson) le courant est très fort, et on avance à l'aller à contre-courant. La barque se cogne contre les murs. Il faut alors qu'un Indien plonge pour diriger la barque en la tirant avec une corde.

Il y a des petits escaliers tout le long du Gange, sur trois miles. Ils apparaissent petits parce que le fleuve est haut et en recouvre les trois quarts.

Notre promenade en barque est court à cause du courant. Sur les rives, se trouvent les palais des maharadjas. Certains sont devenus des abris pour les pèlerins qui peuvent y rester trois jours et trois nuits. Ensuite, ils repartent.

On va sur le ghât où se trouvent les bûchers. Il y a une odeur horrible qui me monte au coeur. Je me souviendrai longtemps de l'odeur de la chair humaine qui crame. Deux morts sont en train de brûler. L'un vient d'être mis en place. Il est complètement enveloppé dans un linceul blanc (blanc quand c'est un homme, rouge quand c'est une femme). Et autour se trouve la famille qui va rester là jusqu'à ce qu'il soit brûlé. Le plus proche parent est celui qui s'est rasé le crâne.

Le corps met des heures pour se consumer. Puis les cendres sont jetées dans le Gange. C'est le plus grand bonheur que de faire jeter ses cendres dans le Gange. Parfois ce sont des amis qui le font. Parfois, quand on est malade, on va finir ses jours à Bénares.

Le deuxième corps est presque cramé. La tête, il n'en reste que la moitié, toute noire, toute consumée, et on ne distingue plus la forme du crâne. Soudain, la cervelle dégringole en un liquide visqueux. C'en est trop. On fiche le camp.

■ L'université sanscrite

Nous allons visiter ensuite l'université sanscrite fondée en 1916, au milieu d'un campus aux grandes pelouses vertes.

■ Le temple de Durga

La déesse Durgâ est considérée parfois comme la déesse mère ou l’épouse de Shiva. Elle serait la protectrice de Varanasi.
Le temple est connu pour ses singes. Ils boivent à la fontaine. Ils se cherchent les poux, et ils mangent.
Ils sont marrants et voleurs... paraît-il.

■ Le quartier commercial

Le guide nous a conseillé de ne prendre ni caméra, ni argent, car il y a des pick-pockets.
Ce sont de petites ruelles avec des temples à tous les coins de rues.

Les 1 500 temples de la ville n'ont qu'un intérêt limité car en raison des destructions qui ont suivi la conquête musulmane ils ne datent que des 17e et 18e siècles.

On rentre dans une maison privée pour essayer de jeter un coup d'oeil par la cour sur le temple d'or, qui est interdit aux non-hindous. Le toit est recouvert de feuilles d'or, et sous les rayons du soleil, éclate de lumière.

■ Une fabrique de soie

Puis nous allons dans une fabrique de soie, où nous regardons le travail des métiers à tisser.
Je me fais un plaisir de servir de mannequin pour essayer tous les saris. Et évidemment, je m'en achète un.


L'après-midi : Sarnath

Nous faisons une excursion qui en vaut la peine : Sarnath.
Sarnath se trouve à une dizaine de kilomètres au nord de Varanasi.
C'est le lieu du premier sermon de Bouddha et, de ce fait, l'un des quatre lieux saints du bouddhisme.

C'est un hâvre de paix. Quelle différence avec Varanasi.

A Sarnath, il y a de grands parcs verts où se trouvent les ruines d'un monastère birman (vraiment que quelques pierres !) et le pilier d'Ashoka... Les piliers d'Ashoka sont une série de colonnes dispersées dans toute la partie nord du sous-continent indien, érigées ou du moins gravées par édit du roi maurya Ashoka pendant son règne au 3 ème siècle av. J.-C.

Celui de Sarnath marque l'endroit où Gautama Bouddha aurait enseigné pour la première fois son dharma.
Celui-ci de pilier... il est en trois morceaux, il ne tient plus debout.
Le chapiteau, lui, il n'a pas souffert dans sa chute. Il est devenu l'emblème national de l'Inde et il est exposé dans le musée archéologique. Et il y a un puit.

Il y a aussi le parc aux daims, et l'on voit passer, on a de la chance, un troupeau de daims magnifiques, qui courent à toute allure en poussant des cris.

Plus loin, se trouve le stupa, construit vers 500, le Dhamek Stūpa (= le stupa du règne du Dharma), un solide cylindre de briques et de pierre à l'intérieur duquel se trouve je ne sais quelle relique). C'est la structure la plus massive de Sarnath.
On dit que le Dhamek Stupa marque l'endroit où le Bouddha aurait donné son premier sermon à ses cinq premiers disciples après avoir atteint l'illumination.

Puis le temple tibétain, et le temple chinois. Il est étonnant de voir la différence entre les statues des bouddhas tibétains et des chinois. Le bouddha tibétain est recouvert d'or, tel que je me les imaginais, alors qu'en Inde j'ai trouvé les bouddhas bien peu ornés. Ces bouddhas d'or que j'ai dans la tête doivent probablement se rencontrer en Thaïlande. Le bouddha chinois est un peu plus carnavalesque, il a une figure de poupée de porcelaine...

Dans le temple chinois se trouvent des peintures sur les murs qui retracent la vie de Bouddha, de son enfance à son ascension au Nirvâna. Il y a dans ce temple une merveilleuse odeur de jasmin. Les moines ici ne sont pas en jaune safran, mais en pourpre. Ils ont le type tibétain, ce qui change beaucoup du contexte indien dans lequel nous évoluons depuis quinze jours. Le Bouddhisme semble à mes yeux être une religion pure, plus profonde, beaucoup moins carnavalesque que l'Hindouisme.

Ici, à Sarnath, tout nous parait beau, surtout à cause de la nature, la verdure. On y joue même au football.

Au musée archéologique, on peut voir ce chapiteau du pilier d'Açoka, l'emblème national de l'Inde, et un Bouddha en position de méditation, et des tas de statuettes datant du 5 ème au 10 ème siècle, dont des représentations de Tara, une des divinités les plus populaires du bouddhisme tibétain qui incarne l'aspect féminin de la compassion, une déesse qui revient très souvent, aux seins énormes, et, des Bouddhas