![]() |
![]() |
De DJIBLA à ⇾ DAMT
Dimanche 18 septembre 1977
Direction Ibb, et re-discussion avec Abdallah pour qu'il accepte de prendre la piste !
Lui, veut faire Ibb - Al Thary - Damt - Al Nadreh, et nous, nous voulons faire Ibb - Al Nadreh - Damt.
C'est qu'il n'a jamais pris cette piste-là, il ne la connaît pas, et il fait tout pour l'éviter. Il a fallu qu'un type du pays vienne nous donner un coup de main et lui expliquer la route. Enfin une bataille de gagnée. Et on y tenait à celle-la.

Et on part donc à l'aventure, et on ne le regrette pas, car les paysages du Wadi Bana et des terrasses, sont sublimes. De très belles montagnes, de beaux panoramas sur des villages isolés au milieu des montagnes.
Al Nadreh est sans intérêt, et on ne s'y arrête pas. La piste jusqu'à Al Nadreh est facile, mais après, ça se corse : une piste de cailloux et ça cahote pas mal.
DAMT
On arrive à Damt. C'est un petit village. Une rue principale.
Recherche d'un funduk
On nous l'indique. Il donne dans la rue principale. Un escalier jonché de crottes. Une double-pièce, l'une avec quatre lits et une porte, et dans l'autre, quatre lits et une fenêtre. Avec ça, si on n'étouffe pas ! Le lieu est dégueulasse. Il n'y a pas d'eau, pas de WC. On est obligé d'aller très loin dans la campagne, au-delà du village, pour faire ses besoins.
Le prix : 5 rials
On s'installe. Les matelas nous paraissent vraiment douteux. On y met de la poudre anti-puces. Il y a une couverture posée sur le matelas. Je pose ma rabanne par-dessus, et mon sac à viande, seulement au-dessus de tout ça.
Le volcan et le lac
On nous a parlé des fameuses sources chaudes de Damt. Elles sont célèbres dans tout le Yémen pour leurs effets curatifs. D'ailleurs la ville, on l'appelle "Hammam Damt ! Les sources thermales de Damt (40–45°C) circulent à travers des dépôts de travertin. Elles semblent être liées à une activité volcanique vieille de 10 000 ans qui a conduit à l'apparition de plusieurs cratères dans la région. On aperçoit à la sortie du village une petite baraque, et on est déçu quand on apprend que c'est seulement "ça" les sources chaudes.
Mais avant, on part à l'ascension du volcan.
Le Yémen fait partie de la plaque arabique qui, séparée par la mer Rouge, s'éloigne de plus en plus de la plaque africaine. La Corne de l'Afrique s'intégrait autrefois parfaitement dans le sud-ouest du Yémen. La zone du Yémen, située directement au point de rupture entre les deux plaques, est toujours tectoniquement active. Les tremblements de terre ainsi que les sources d'eau chaude et de vapeur peuvent être trouvées dans de nombreux endroits au Yémen, Il n'y a pas de volcans actifs, mais de nombreux volcans éteints façonnent le pays.
À Hamam Damt il y a un cône tronqué d'environ 30 m de haut qui dépasse du milieu de la vallée de Wadi Benna. Il est célèbre dans tout le Yémen pour les propriétés médicinales de ses sources chaudes. Il y a un total de 10 cratères, le cratère principal, les deux cratères secondaires et le cratère nord. Six cratères en ruines se trouvent juste avant Hamam Damt et sont sur le point de rejoindre Damt Hamam.
Le village est dominé par un petit volcan. Au sommet se trouve un lac de cratère dont on peut faire le tour. Pour y accéder, la montée n'est pas trop difficile, ça prend pas mal de temps, mais les pierres ne sont pas glissantes, et forment comme un escalier. Evidemment le lac est caché dans le trou, et si l'on veut le voir, il faut faire de l'escalade. Ce qui est difficile c'est de passer dans la fente du sommet, car c'est très étroit, et là, les pierres glissent, et quand même, on est... tout en haut.
On arrive sur un chemin plat qui contourne le lac, qui lui se trouve encore plus au fond du trou.
C'est très beau, mais ce qui nous inquiète plus, c'est de re-descendre. On est très content d'être là, de voir le lac, ça en vaut la peine, mais le retour nous effraye, surtout de devoir re-passer par cette fente, où l'on a du mal à s'agripper, et avec tous nos appareils photos, et certains ont le vertige en plus. Mais le passage, en fait, se déroule bien. On passe l'un après l'autre, en prenant notre temps, en faisant attention, et en se passant les sacs. La descente ensuite, en escalier, ne pose aucun problème.
Une fois en bas, on se dirige vers les sources chaudes.
Les sources chaudes
Quand on y arrive, on se rend compte qu'il n'y a que des femmes, et à moitié nues. On fait signe aux gars de ne pas venir.
On nous explique qu'aujourd'hui, c'est le jour des femmes, et que demain, c'est le jour des hommes.
A l'intérieur de la baraque, il y a un bain de 2 m sur 3 environ, et une pièce attenante, le vestiaire. On se met en maillot de bain. Mais il nous est impossible de mettre, même le pied, dans l'eau, tellement elle est chaude. Ça fait au moins 40 ° !!! C'est pareil que quand on met le doigt dans une casserole d'eau bouillante.
Les filles se marrent tant qu'elles peuvent et nous invitent fortement à y aller. On ne pensait qu'on n'y arriverait jamais à se baigner dans cette eau bouillante, mais petit à petit on s'habitue, et après y avoir habitué les pieds, petit à petit on peut rentrer le corps. Et on s'y trouve pas trop mal...
Je ne peux pas dire qu'on y resterait des heures... Les filles nous prêtent un savon, le nôtre... on l'a laissé au funduk. Toilette ! Enfin ! Ça fait du bien. On va jusqu'à ébaucher quelques brasses de nage sur ces 2 m sur 3 m. Ce qui fait bien rire nos compagnes yéménites, qui n'ont pas l'air de savoir nager. On a été ce jour-là la grande attraction.
Après ce bain, on ressent effectivement un bien-être.
D'abord propres comme on ne l'a jamais été, complètement décapées, mais avec les jambes flagellantes.
Retour au funduk, où les gars nous attendaient à la porte, car ils ne pouvaient pas entrer au "hamam" !
Et c'est nous qui avions gardé la clé !...
Dîner chez le pharmacien du village
On part à la recherche de nourriture, en demandant aux gens "Fen hobz ?". Ceci nous conduit chez le pharmacien du village, qui nous a fait signe de venir. Lui, il parle l'anglais (plus ou moins compréhensible). Il nous fait visiter son officine, veut nous offrir un thé, nous présente sa femme, et ses soeurs, dont l'une a le visage complètement maquillé en jaune. Il nous montre sa cuisine, et nous invite à manger chez lui, c'est à dire qu'il nous montre une poignée de riz qu'il se propose de nous cuire comme repas. On propose d'aller acheter quelques boites de conserves pour accompagner le riz. Il nous semble qu'il est habitué à recevoir chez lui les étrangers de passage dans son village.
Nous allons donc faire nos emplettes de boites de conserves, et nous retournons chez le pharmacien. A notre surprise, rien n'a été préparé. Il nous fait pénétrer dans l'appartement de ses femmes, une pièce unique avec un seul lit et des matelas posés à terre, qui sert à la fois de chambre à coucher commune, de salle à manger, et de pièce à vivre.
Et il nous invite, nous les femmes, à mettre la main à la pâte, c'est à dire d'aider sa soeur à faire cuir le riz. On se rend donc dans la petite cabane extérieure à la maison, qui sert de cuisine, et on aide à allumer le réchaud, un réchaud à alcool, avec le paquet d'allumettes. Le réchaud fonctionne tant bien que mal. On lave le riz, puis la soeur le fait revenir dans le poêlon avec des oignons et des graines de quelque chose qui fera qu'en résultat le riz sera fortement épicé. Puis on verse le riz, et on le recouvre d'eau. Voilà notre travail terminé.
On nous a donné des assiettes et des couverts. On nous sert le riz sur lequel nous versons les boites de maquereau. Ensuite, on mange du Kraft Cheese, et des macédoines de fruits en boite. Curieusement, on ne nous a pas offert de thé au cours du repas.
Il nous a semblé que le pharmacien nous ait fait venir pour être un objet de distraction pour ses femmes... et les autres... car pendant tout le temps qu'on était là, lui, il est resté dans la pharmacie, et il ouvrait la fenêtre entre les deux pièces, pour nous présenter des amis à lui, à plusieurs reprises, qui, semble-t-il, sont venus pour voir "les étrangers".
Entre femmes
Les femmes, pendant ce temps, s'amusent bien à nos dépends. Elles nous dévisagent, comparent nos accoutrements aux leurs, et il semble qu'elles soient très étonnées du fait que nous ne portions pas de bijoux, et que nous ne soyons pas maquillées. Elles, elles ont le visage, et les mains, et les bras, pas tatoués, mais ornée de motifs noirs.Et elles insistent fortement pour nous faire, à nous, ces beaux maquillages. Elles s'affairent d'autant plus sur mon sort, que je suis blonde, et que ce soir-là, j'ai dénoué mes cheveux.
Avoir les cheveux longs, dénoués sur le dos ne semble pas normal, pour moi, mais elles insistent pour me faire comme à elles, de petites nattes, puis me posent un fichu sur la tête, en s'amusant comme des folles. Le pire, c'est qu'elles se sont mises en tête de me couper une frange, car, au Yemen, les femmes quand elles sont mariées portent une frange sur le front, c'est le signe distinctif. La bagarre a été dure : elles sont arrivées avec un énorme ciseau, et j'ai pu y échapper en leur expliquant, qu'au Yemen on coupe la frange, mais qu'en France ce serait une honte pour moi d'avoir une frange, et je pousse des grands cris comme si j'allais être déshonorée. Ça a marché.
Myriam, elle, accepte d'être maquillée, sur le visage et sur les mains, ce qui leur fait plaisir. Elles s'arment de peinture, et d'une petite épingle qui leur sert de pinceau.
Je saisis la première occasion pour pour me sauver et aller me coucher, j'étais trop inquiète de rentrer tatouée et les cheveux coupés ! Myriam, elle, aura un mal fou, pour faire disparaître son maquillage, et pendant plusieurs jours il tiendra, malgré des tentatives de l'effacer avec de l'alcool ou de l'éther.
Lundi 19 septembre 1977
Encore une nuit terrible. Cette fois ça a été l'âne qui n'a pas cessé de faire son cri dès le petit matin.
Matin
On a pu prendre notre petit déjeuner en face, dans un "café" qui servait du thé. J'ai pu obtenir mon eau bouillie pour faire mon Nescafé, et ils vendaient même du pain. Une crêpe de pain, c'est largement bourratif au petit déjeuner.
Nous restons encore à Damt quelques heures pour profiter de ce magnifique paysage, et pour que les garçons prennent leur bain dans le hammam à leur tour. En attendant, nous allons nous balader près de la rivière. On essaye d'y prendre de l'eau, mais malheureusement il y a des particules en suspension. Evidemment tout y traverse, les bêtes et les véhicules...
De retour au village, nous assistons à un grand rassemblement. C'est l'affolement général. Il y a eu un accident de voiture, et le conducteur est blessé. Sa femme pleure et court dans tous les sens. On va le conduire en voiture à Sanaa en voiture, où il y a un médecin. On constate à quel point ces villages sont isolés. Sanaa est à plusieurs heures de route.
Bagarre avec Abdallah notre chauffeur
Un départ difficile pour Sanaa. A l'heure prévue pour le départ, on ne voit pas d'Abdallah. Nous pressentons qu'il traîne exprès pour rallonger le voyage. Il va de nouveau y avoir de la bagarre... Nous chargeons les bagages dans la voiture. Il arrive.
Tous assis dans la voiture, la discussion commence : "flouss" !... "OK, flouss à Sanaa".
"On fait Damt - Al Thary - Sanaa" disons-nous...
Il n'est pas d'accord ! ... "On fait Damt - Al Thary - Yarim - Dhamar, puis, demain, Dhamar - Sanaa" dit-il.
(alors que Sanaa est seulement à deux heures de route !)
Et il remet sur le tapis le fait qu'il était prévu de rester deux jours à Taez, et qu'on y est resté qu'un seul jour.
C'est sûr : Abdallah esaye de récupérer sa journée de salaire perdue en scindant la prochaine étape en deux.
Nous jouons sur le fait qu'il n'est pas allé à Hajja, donc au lieu de huit jours de Toyota, il n'en reste plus que six.
Une bonne heure passe dans cette discussion sans fin.
Et on reprend le circuit prévu de long en large, depuis le début, et un interprète de passage nous aide dans cette discussion.
Et Abdallah veut de l'argent tout de suite et non à l'arrivée à Sanaa (car il a peur qu'on ne le paye pas)...
On s'en tire en faisant un mensonge d'intention (qu'il ne manquera pas de nous rappeler par la suite).
On lui dit : "OK on va à Dhamar". Ce qui le décide à enfin démarrer.