
ARBA MINCH (3 nuits)
Jour 17 - Jeudi 23 avril 1981
D'Awassa à Arba Minch
Awassa, réveillée à 3h 30 du matin parce que le vasistas de la salle de bain se cassait la figure.
On re-dort bien profondément. Et à 5 hres, en plein rêve, notre réveil sonne. À 4h 55 exactement, c'est dur !!
Petit déjeuner à 5h 30. Et en fait le départ prévu à 6 hres ne parvient pas à se faire avant 6h 30.
On part faire une étape énorme de 300 km, soi-disant 5 ou 6 heures de route, pardon, de piste.
On reprend la piste en cul de sac qui nous a amenés jusqu'à l'hôtel, puis on remonte un peu la route vers le nord, et on arrive dans la ville où on est passé hier, SASHEMERI (ou plutôt SASHEMENE).
Sashemene, la ville des rastas
Sashemene est à 1 700 m d'altitude, c'est un carrefour routier et commercial depuis l'époque médiévale. Elle est connue pour avoir été à partir de 1955 le lieu d'implantation d'une communauté rasta qui s'est installée sur 200 ha de terres privées au nord de la ville, offertes par Haïlé Sélassié lui-même après la Seconde Guerre mondiale, en remerciement pour la mobilisation de la diaspora noire du monde entier qui avait aidé l'Éthiopie d'Haïlé Sélassié contre l'agression italienne de 1937.
C'était, pour la plupart, des Jamaïcains, mais aussi des juifs noirs vivant en Amérique, qui regagnaient ainsi la "Terre Mère" de laquelle ils avaient été arrachés par l'entreprise esclavagiste. Beaucoup ont quitté le pays en 1974 au moment de la nationalisation de ces terres.
Il y a des chèvres sur les toits des bus...
De là-haut on prend un peu de la route goudronnée mais très vite elle se transforme en piste, la piste qui conduit à Arba Minch. À l'arrière du car ça saute pas mal !
On s'arrête sur la route. Là, on vend des tas de poteries, des jarres à 2 birrs, ce n'est pas cher, mais c'est comme des culbutos, elles ne tiennent pas debout. C'est fait pour porter de l'eau sur le dos.

Et puis voilà la catastrophe : vers 10 hres, l'averse, et une de ces averses ! La piste se transforme en gadoue.
Les gens s'abritent sous les grandes feuilles de bananiers en guise de parapluie.
Puis voilà que le car qui nous avait déjà fait des siennes recommence à avoir des problèmes de boîte de vitesses. Il faut dire que ce car n'a pas de suspension. C'est du tape-cul. Il y a à l'avant une vitre cassée qui provoque un de ses courant d'air, et on attrape la crève. Devant, le moteur chauffe et on récupère toutes les fumées. Derrière, c'est le tape-cul et l'odeur du bidon d'essence de secours qui fuit, et on respire toute l'odeur ! alors...
On est obligé de s'arrêter dans la ville suivante, SODO, pour faire réparer le car, sous la pluie.
Et puis moi en plus, je suis prise de terribles douleurs dans le bas-ventre, dues je pense à une trop grande gourmandise de bananes, car on a acheté un régime de bananes, pour rien (2 birrs), et on l'a accroché à l'avant du car, et on se sert comme on veut, ça passe le temps. J'en ai abusé ! Et mes douleurs ne s'arrangent pas avec les cahots du car.
Ici, c'est le pays des bananes. D'ailleurs, la nature a beaucoup changé. De cette platitude monotone qui nous avait tant déçus, on est passé à des collines, des cols à franchir, un paysage tout vert, avec beaucoup de cultures, des arbres, des bananiers, et des maisons beaucoup plus riches que les cases de la route du nord.
Au sortir de Sodo, la route ne s'est pas arrangée. C'est une patinoire où l'on fait presque du surplace.
Et on ne voit même pas encore un lac à l'horizon.
Enfin, la pluie va se calmer et on atteint un lac en vue : le lac ABAYA. Mais on est loin d'être arrivé.
Le lac est bien en vue et on croit que ça y est, mais non, il y a encore 40 km de pistes.
Arba Minch, qui signifie en amharique "les quarante sources" est à l'ouest de la vallée du grand rift. On est à environ 500 km au sud d'Addis-Abeba.
Son nom "les quarante sources" provient des nombreuses sources locales et de ses cours d'eau souterrains qui s’écoulent sous les forêts avoisinantes.
Arba Minch Bakale Mola Hotel
En fait, on arrive à l'hôtel à 15 hres (de 6h 30 à 15 hres, ça fait 8h 30 de voyage !).
On est complètement crevé. Moi, le ventre plié en deux.
Mais la vue est sublime de l'hôtel. L'hôtel Arba Minch Bakale Mola se trouve sur un promontoire d'où l'on découvre à gauche le lac ABYATA, et à droite le lac CHAMO, tous deux entourés de montagnes des forêts.
C'est sublime. Et le temps est devenu tout beau le ciel tout bleu.
Le lac Abaya et lac Chamo sont séparés par une langue de terre, une crête étroite, appelée le "Pont du Paradis" ou "Pont de Dieu" (« egzer dilday ») par la population locale.
Ils sont entourés par les plaines vallonnées du Parc National du Néchisar à l'est des lacs.
Il fait quand même un peu frais dès qu'on n'est plus au soleil. L'altitude est de 2000 m.
Mais quand même, se faire la Vallée du Rift sous la pluie, il faut le faire !
L'hôtel, des bungalows disséminés dans la nature, avec des volets. La pleine nature.
Trois nuits là ! Et des mille-pattes dans la douche...
Le déjeuner a été pris à 16 hres.
Spaghetti sauce tomate
Poisson, excellent, le meilleur de tous, beaucoup plus gros
Salade de betteraves
Et bananes, encore des bananes,
là c'est le coup de barre les bananes !
Etant donné mes douleurs de ventre, je ne suis pas allée avec les autres en promenade. Je me couche. Puis je me lave les cheveux et je fais la lessive, et je reste dehors. Mais vite, l'humidité tombe. À 18h 30, la nuit tombe.
Dîner :
De la perche du Nil, ce fameux délicieux poisson
Pommes de terre sautées
Je n'ai mangé ni spaghettis, ni bananes... ras-le-bol !
Le ciel est tout étoilé. Fera-t-il beau demain ?
Jour 18 - Vendredi 24 avril 1981
On a failli bien dormir... Il est tombé beaucoup de pluie cette nuit. Réveillées vers 5h 30.
Et puis on re-dort. Et voilà que nos voisins Éthiopiens (on croit bien que ce sont des Éthiopiens) se mettent à rentrer en parlant le plus fort qu'ils le peuvent. Révolte !!! Cognement à la porte pour les faire taire.
En fait, 10 minutes plus tard, cognement à 7 hres, c'est à notre porte, c'est le réveil matin, il nous faut nous lever.
Il fait beau. Ciel bleu, soleil. Petit déjeuner à 8 hres. Café imbuvable... et le lait semble avoir été... poivré ou épicé.
Je ne boirai pas de café pendant trois jours, quel supplice !
On attend le bateau pour la promenade sur le lac CHAMO, qui n'est prévue qu'à 10 hres.
En attendant, bain de soleil sur la terrasse.
La balade sur le lac Chamo
Parmi les deux lacs qui entourent Arba Minch, le lac Chamo est le plus visité.
Les plus grands crocodiles du monde s'y trouvent. Et il y a aussi des hippopotames.
On y va. Il faut faire 8 km pour arriver à l'embarcadère des bateaux. Un mini hors-bord que l'on déplace à la godille attend là, pour nous faire atteindre le bateau, qui lui est plus gros et qui ne peut accoster. Cela ne nous inspire pas confiance. Il faut y aller. On accède très bien au bateau. À côté se trouve un radeau sur lequel les gens du pays se déplacent en s'aidant d'une godille. Au milieu des crocos, on ne s'y verrait pas...!
Et là commence une longue attente, la discussion sur le prix semble-t-il. Il paraît que cela coûte 2 birrs par personne par heure. Ce qui fait revenir la balade à environ 80 FF par personne. Le patron du bateau ne semble pas d'accord et puis bizarrement tout à coup... En plus on cuit sous le soleil pendant ces palabres et on a beaucoup de mal pour obtenir qu'on mette une bâche sur le bateau, en plein soleil, sans toit. Il faut même mettre la main à la pâte.
En attendant on s'apprête à pique-niquer sur le bateau. Au final, le patron du bateau propose qu'on aille voir les crocodiles par groupe de quatre, sur le mini hors-bord sur lequel ils ont installé un moteur.
Ce n'est pas rassurant ce mini bateau presque au raz de l'eau.
Les quatre premiers s'y risquent. Ils reviennent en nous parlant des crocodiles et des hippopotames qu'ils ont vus.
Vers les 13h 30 je me lance après deux fournée déjà passées, car le beau temps a viré déjà et tout devient nuageux.
La balade dure à peu près 40 minutes. Il fait très beau sur le hors-bord, avec un peu de vent rafraîchissant.
On passe à côté des hippopotames qui ont les deux oreilles en dehors de l'eau, et qui de temps en temps émergent.
On voit des marabouts sur leur longues échasses. Il y a, curieux, des arbres (sans feuilles) au beau milieu du lac.
Le territoire des crocodiles
On contourne la côte et on arrive sur le territoire des crocodiles. Oh n'en croit pas nos yeux : d'abord, comme des petites pierres dans l'eau, les crocos deviennent de plus en plus nombreux, ils fendent l'eau. Il y en a un sur la rive, la gueule toute grande ouverte, et qui ne bouge pas. En général, quand les crocos sentent le bateau alors qu'ils sont sur la rive, ils se précipitent dans l'eau.
Et tout à coup on voit un énorme crocodile d'au moins 5 ou 6 m, un vrai un monument préhistorique.
Et pouf, voilà que le moteur s'arrête ! Non, ce n'était pas la queue d'un crocodile qui a frappé, on a eu peur... mais le bateau repart. C'est tout de même très impressionnant de se trouver si près, et surtout sur un si petit bateau.
Retour au gros bateau et retour sur la berge.
Là, c'est une autre jungle : un essaim de milliers de libellule qui piaillent, des moustiques qui nous assaillent.
Il y a encore des marabouts dans les arbres.
On marche un peu en attendant le retour des derniers.
Retour à l'hôtel
Vers 15 heures. Il n'est pas plus tard que cela, et la journée nous a semblé énormément longue.
Repos.
On organise un méchoui. On achète un mouton et on installe le matériel.
Dîner :
Soupe de haricots délicieuse.
Le rab de soupe aux lentilles est moins bon .
Méchoui : je trouve ça un peu gras.
Bananes grillées à la cendre, arrosées de vin de Gudert de 1961 (année éthiopienne)... madérisé, au goût particulier,
plutôt fait pour prendre en apéritif que pour accompagner de la viande.
La voie lactée
On rentre vers 22 hres passées.
Le temps est excessivement doux et le ciel est criblé d'étoiles et nous laisse en admiration.
On voit d'ici parfaitement bien la forme voûtée du ciel. Et on voit la voie lactée. On observe des étoiles à la jumelle et les étoiles filantes. Il n'y a pas de lune. Est-ce que pour cela qu'on voit les étoiles si bien ?
On reste un bon moment dehors.
Il est presque 23 heures quand on se couche.
Jour 19 - Samedi 25 avril 1981
On a encore été réveillé par nos voisins quand ils sont rentrés tard cette nuit ! Ce ne sont pas des Éthiopiens, non, ce sont des Hawaïen, des Suisses, des Coréens ! Ils vivent ici depuis 15 ans à organiser des chasses et des sorties de pêche. Et à travers la porte ils parlent anglais et de temps à autre des mots en amharique se glissent. On a encore hurlé !!!
Réveil à 7h en principe. Le temps est catastrophique. Il pleut averse.
On doit faire une expédition de deux heures de bateau aller, et deux heures retour, pour aller visiter le Parc National de NECHISAR. Alors, avec la pluie ! Pourtant vers 10 heures ça se lève.
Le marché d'Arba Minch
On va d'abord au marché d'Arba Minch. La ville en soi est tout de même à plusieurs kilomètres de l'hôtel où on loge. Dans le marché il y a des types de visages d'une impassibilité extraordinaire. On y vend des épices, du beurre (rance, pour les cheveux). Il y a un débit de boisson (de thé) installé sur des planches de bois, on y vend des petits citrons, des carottes, des coqs, des tissus.
C'est la gadoue et les amas de crotte. On s'en met plein les pieds.
Notre départ est salué par une salve de claquements de mains par tous les gosses qui se sont agglutinés autour du car.
Le parc national de Nechisar
Il faut traverser le lac Chamo pour accéder à ce parc. On part donc pour l'embarcadère du bateau.
Le mauvais temps cesse et fait place à une énorme chaleur.
Arrivés peu avant le panneau qui indique "Lake Chamo boats"... panne de bus, et il ne redémarre pas malgré les poussées. On a droit aussi en plus à une panne d'essence. Il y a bien un bidon de réserve mais ils n'ont pas de tuyau pour le transvaser. Et voilà que ce sont les Hawaïen (nos voisins à l'hôtel) qui arrivent, et qui prêtent leur tuyau !
On prend le petit hors-bord puis le "gros" bateau (tiens c'est bizarre il remarche !).
On met 2 hres 30 pour traverser le lac Chamo. On repasse devant les hippopotames.
On est parti à midi et on arrive à 14h 30. Le soleil est terrible. Le sol est couvert de très hautes herbes qui envahissent de grosses roches noires volcaniques. On doit se frayer un passages au travers des hautes herbes. Heureusement que je suis en pantalon. On nous a dit "allez vous promener vous trouverez des animaux" !. J'ai trouvé ça plutôt inconscient et je ne suis pas d'accord. C'est plutôt incertain de marcher au milieu des herbes. La chaleur est torride.
Il y a des libellules, et en marchant sur les pierres, des tas de lézard s'échappent, ça sort de par-dessous les pierres quand on pose le pied.
On en a marre. On risque de se tordre le pied à chaque pas. On va jusqu'à un arbre qui surplombe une étendue plate. Pas un seul animal. Et pourtant, les autres, eux, ils ont pris la direction opposée et ils sont tombés sur une mare aux crocodiles, et... ils ont eu chaud !
Retour au bateau, assoiffée. 2 hres 30 de bateau sur le lac pour rentrer. Je me suis installée sur la plate-forme avant, au raz de l'eau, situation très agréable, sauf quand le vent froid commence à souffler.
J'ai eu le temps de progresser dans mon vocabulaire amharique :
Azo = crocodile
Midahaya = zèbre
Ambassa = lion
L'arrivée au débarcadère se fait sous une lumière et un ciel extraordinaires.
À l'arrivée, de nouveau des problèmes surgissent avec le patron du bateau qui, après avoir débarqué une première fournée à terre avec son hors-bord, se met à embarquer cinq autres touristes pour les emmener voir les crocodiles, alors qu'il n'a pas terminé de nous ramener tous sur la berge. Et il nous envoie une barque, instable et remplie d'eau pour nous accoster.
Révolte ! grève ! engueulade ! Pour le forcer à ramener les autres à terre et venir nous chercher.
Évidemment il aurait pu se refaire une fournée de touristes, et gagner encore plus d'argent. Après, pour lui quand la nuit tombe, il lui est impossible de se rendre à la mare au crocodile et faire encore des affaires.
Le retour vers l'hôtel en car est merveilleux car le ciel se pare de couleurs roses : un coucher de soleil dans les rosés, un ciel extraordinaire.
Dîner :
Soupe mélange de tous les haricots
Poisson, pommes de terre
Papaye arrosée de citron, délicieux.
