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LALIBELA (3 nuits)

Lalibela est la ville sainte des chrétiens orthodoxes d'Éthiopie. Elle est située à 2 630 m d'altitude dans l'actuelle région Amhara. C'est le plus grand site chrétien d’Afrique : onze églises rupestres, creusées sous le niveau du sol, sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur, et d’un seul bloc (monolithiques).


De Gondar à Lalibela

Jour 7 - Lundi 13 avril 1981

Le vol entre Gondar à Lalibela, il est surnommé le "vomiting flight"...

Lever à 7 hres. Le vol est prévu à 9h 15.

Mais voilà qu'on n'est pas seuls. Un groupe d'Africa Tour depuis Gondar nous doublonne. Et comme eux, ils donnent des pots de vin (ils en ont les moyens)... et qu'il n'y a qu'un seul avion, ils prennent le premier avion, et nous... on attend.

On attend donc que l'avion les emmène à Lalibela et revienne nous chercher. Il paraît que Ethiopian Airlines ne possède que deux DC3 pour toutes ses lignes intérieures, alors !

Pour passer le temps, on va avec le car, un peu plus loin, au bord d'une rivière.

Le vol

Il est 11h 25 quand on décolle de Gondar. C'est ce fameux vol de Gondar à Lalibela qu'on nous avait dit être surnommé le "vomiting flight"... (expression toute fabriquée d'ailleurs qui n'est pas anglaise du tout).

On en riait un peu, car on a quand même tous l'habitude de prendre l'avion, et ce matin, le temps était très clair.

Le steward nous offre des petits gâteaux, pas mauvais.
À peine en vol, ça commence.
L'avion fait un double mouvement constant de haut en bas et de roulis comme s'il allait toujours tourner.
En plus, il n'y a absolument pas d'air. Les DC3 ne sont pas pressurisés car ils ne volent pas assez haut.

Pourtant le paysage vu d'avion est grandiose. Des montagnes déchiquetées, des ravins.

40 minutes de vol : c'est interminable.

Tout le monde se regarde en soupirant et en regardant sa montre toutes les cinq minutes. Il y en a quatre ou cinq qui ont vomi. Moi je n'ai pas vomi, mais j'ai l'impression de tourner de l'œil, et j'avais beau m'animer, causer, bouger, je sentais le moment en train de devenir catastrophique : le pire vol que j'ai jamais eu de toute ma vie !

L'explication c'est que dans cette partie peut-être spéciale de l'Éthiopie, l'air chaud monte, et particulièrement à l'heure de midi. Le groupe d'Africa Tour qui lui est parti à 10 hres n'a pas eu de problème, c'est bien à cause d'eux qu'on a eu droit au "vomitif flight"...

Et c'est sur cette terre chaude que l'avion se balance. Ce n'est pas une chute brutale comme lorsqu'un avion pénètre dans un nuage, c'est un mouvement de va-et-vient constant de haut en bas et comme ces DC3 ce n'est pas très lourd comme un jet, ça plane sur l'air !

Alors, au début, on supporte. Mais comme ça ne s'arrête jamais, ça finit par avoir une influence sur le cœur.

Arrivée à Lalibela

(2 630 mètres)

On atterrit à 12h 10. J'ai les jambes qui flageolent. Je n'ai plus de force. Complètement vidée, c'est une drôle de sensation, exactement comme si je venais de m'évanouir.

En plus l'altitude de Lalibela, + 2600 m ,n'arrange pas les choses. Manque d'air et grosse chaleur.

On fait aussi connaissance avec les mouches de Lalibela !
Il y en avait déjà pas mal avant, mais ici c'est le record, et c'est très énervant.

Par contre, parlons de Lalibela. Malgré cette difficile arrivée, c'est un choc : un émerveillement, une atmosphère surtout.

Le petit aéroport : une paillote circulaire qui sert d'école, et un panneau : "Ethiopian Airlines welcomes you to Lalibela, élévation 6500".

Des jeeps nous attendent pour nous conduire au village, car, contrairement aux villes précédentes, ici l'aéroport est très éloigné, et c'est une piste qui conduit au village.

Les montagnes sont superbes, les couleurs surtout, tirant sur l'ocre.
On sent un autre monde : la chaleur, la poussière, les couleurs.

Il faut emprunter cette piste relativement longue avant d'apercevoir le village.

Lalibela, cet endroit aussi prestigieux et célèbre dans le monde entier, est un petit village, isolé dans la montagne, avec des maisons aux toits de zinc qui brillent au soleil.

À l'hôtel


Hotel des Sept Olives (ex Ras Hotel)
Nourriture dégueulasse
Eau de la douche glaciale


L'hôtel des Sept Olives est le seul hôtel touristique ici, Il est situé sur une colline à deux pas du village.

Ce sont des bungalows dans un très beau jardin fleuri. Un directeur un peu bedonnant, charmant, s'inquiétant toujours de savoir si on est content. Mais malheureusement le cuisinier n'est pas à la hauteur. La cuisine est unmangeable, ultra grasse, baignant dans l'huile.

Le repas type c'est :


Soupe blédine, aux légumes ou à la tomate, selon les jours.
Spaghettis, ce qui est encore est le plus mangeable.
Des viandes en sauce qui rien qu'à la vue ne nous encouragent pas à en manger tellement ça baigne.
Des légumes, choux ou épinards, mauvais aussi.
Et le dessert, le plus mangeable, pudding ou œuf au lait, ou gâteau de riz, ou crêpes, mais vraiment de taille minuscule.


Bon, le choc provoqué par notre vol entre Gondar et Lalibela n'était pas non plus bien propice à avoir envie de manger.
Le repas de midi fut donc bien frugal, et je pars aussitôt me reposer car je ne m'en suis pas encore remise de ce vol.

Et on va rester trois jours ici. Autant Lalibela est un endroit merveilleux, autant on n'y a fait régime !

L'Histoire

Aux Axoumites vaincus, avait succédé les membres d'une dynastie nouvelle, celle des deux Zagoués. A Axoum qui avait été détruite, ils firent succéder une autre capitale, qui devait être la leur. Et ce fut au lieu qui se nomme alors ROHA, dans le Lasta, dans un cadre sévère de montagne dominé de ses 4190 m par l'Abuna Joseph.

Vers 1190 commença le règne du roi Gebre Mesqel Lalibela, qui a régné entre 1190 et 1225. Durant les 30 années de son règne il fut un constructeur étonnant et dans le temps où l'art roman puis gothique prenait leur essor en Occident, il fait creuser à ROHA tout un ensemble d'églises à même le roc, témoignage d'une ardeur mystique profonde et d'un désir de faire de sa capitale une ville sainte, qui devait par la suite conserver son nom : Lalibela.


Les églises de Lalibela furent taillées au début du 13 ème siècle sur l'ordre du roi Lalibela. Il voulut permettre aux chrétiens orthodoxes éthiopiens d'avoir sur leur terre leur propre Jérusalem, tout au moins une représentation symbolique de Jérusalem.

Selon la légende, le roi Lalibela reçut la mission divine d’édifier dix églises d’une seule pierre. Pour ce faire, il reçut l’aide des anges qui aidaient les ouvriers pendant la journée et continuaient le travail pendant la nuit.

Ainsi le site est né et reçut le nom du roi fondateur, Lalibela.

Le site fut décrit la première fois en septembre 1520 par un Européen lors d'une mission catholique en Ethiopie.

En 1978, le site de Lalibela a été inscrit par l'UNESCO au patrimoine culturel de l'humanité, et des moyens ont alors été mis à disposition afin de conserver les monuments.




Les sanctuaire de Lalibela appartiennent à trois types :

⇾ Il y a d'abord les églises de cavernes qui utilisent des grottes préexistantes (exemple l'église grotte du sauveur).

⇾ Il y a l'église hypogée, creusée dans la falaise en ménageant une façade autour de l'entrée-abba monolithe, formant un seul bloc détaché de la montagne environnante, et isolée par la taille d'un immense fossé quadrangulaire. Elle est totalement creusé intérieurement en faisant subsister les murs, les colonnes, les voûtes... C'est la majeure partie des églises de Lalibela.

- Il y a l'église creusée dans le sol.

Lalibela

Après-midi

Visite d'une partie des églises

On y va à pied. C'est tout près en passant par le village.
Les églises de Lalibela se répartissent en trois groupes



Lalibela Lalibela



▫︎ 1 - Le groupe du nord-ouest
⤳ BIETE MESKEL (2) (la maison de la Croix)
⤳ BIETE MICHAËL accolée à BIET GOLGOTHA (3) et à l'église crypte de la Trinité (ouvrant sur le fossé de Biete Maryam)
⤳ BIETE MARYAM (4) (la maison de Marie )
⤳ BIETE DENAGEL (5) (la maison des Vierges)
⤳ BIETE MEDHANE ALEM (6) (la maison du Sauveur du monde)
⤳ BIETE MESKEL (2) (la maison de la Croix)

▫︎ 2 - Le groupe du sud-est
⤳ BIETE AMANUEL (7) (la maison d’Emmanuel)
⤳ BIETE MERKURIOS (8)
⤳ BIETE ABBA LIBANOS (9)
⤳ BIETE GEBRIEL-RUFAEL (11) (la maison de Gabriel et Raphaël)

BIETE LEHEM (10), est considérée à tort comme une église. En réalité il semble que cet édifice, très dégradé, soit une tour donjon faisant partie des dispositifs défensifs disséminés autour des églises.



▫︎ 3 - À ces deux groupes s'associe l'église séparée de BIET SAINT-GEORGES (1)
L'église BIETE GYORGIS est isolée au sud-ouest du village. C'est la plus connue des églises de Lalibela. Elle est unique par son plan en forme de croix grecque.


Soit en tout 11 églises.
Il y a en tout 18 églises, dans Lalibela, et aux environs.
Il fallut 10 ans pour en dresser les plans et 30 années pour les construire.


BIET MEDHANE ALEM

(L'église du sauveur du monde)


C'est la plus grande, c'était aussi le sanctuaire principale de ce premier groupe.

Elle est rectangulaire 33 m de long sur 23 m de large, et 11 m de hauteur.
Lorsqu'on est sur le bord de la falaise, on ne voit que son toit, une voûte à double pente ornée d'une suite d'arcades aveugles.

Le bandeau de ce toit est supporté par une colonnade de 82 piliers de section rectangulaire. L'ensemble, en monolithe de la roche, garde une esthétique d'une sobre harmonie.

L'intérieur est conçu sur un plan basilicale qui avait été celui de la cathédrale primitive de Axum, avec 5 nefs et 8 travées séparées par 28 colonnes massives.

Le trésor : un vieux manuscrit et une croix de cuivre massif d'un dessin très original.


C'est la première église qui a été construite par le roi Lalibela. On voit à l'intérieur une croix en or (sic) au-dessus de l'autel. Et dans la pierre au-dessus de l'autel, il y a un chapeau et un bouclier de Lalibela sculpés. La croix était cachée dans une niche (un trou dans un pilier) dans le fond de l'église, et c'est là que les prêtres l'ont découverte.


BIET MARYAM

C'est le type parfait de l'église monolithe : au centre d'une grande excavation trapézoïdale pratiquée pour la mise en place des fossés qui l'isolent. Dans les fossés de Biet Mariam s'ouvrent des grottes caveaux.

L'intérieur :

Au centre se trouve une colonne voilée, symbole de l'unité de la foi. Cette colonne est au centre d'une conception architecturale parfaite avec narthex, 3 nefs, galerie, sanctuaire surmonté d'une coupole, local sacristie.

Lalibela
Colonnes de Biete Maryam (intérieur)


Les murs et les voûtes sont recouverts de peintures :

→ Un aigle bicéphale et des bisons, des combats de coqs.
→ Sous le plafond, une frise, des saints barbus tenant des livres roulés.
→ Le Christ en majesté sur son trône.
→ Sous la voûte de la nef centrale de gauche apparaît la fuite en Égypte. On peut y reconnaître Joseph derrière Marie assise sur sa monture. L'archange Gabriel les guide.
→ À gauche le paralytique guéri partant vers sa demeure en emportant son lit...
→ À droite la Samaritaine puise de l'eau au puits devant le Seigneur.
→ Sous l'intrade d'une architrave apparaît un soleil, symbole du Christ, entre les rosaces.


À Biete Maryam est accolée Biete MASQUAL, deux églises en une.

Biete Medhane

Biete Maryam est reliée à Biete Medhane par un tunnel, elles sont côte à côte. Devant, un bassin pour baptiser.
Biete Medhane fut terminée la première. Au plafond pend une lampe à huile.
Plafond et arche décorés. Peintures de la fuite en Égypte.
On n'y voit à l'extérieur la svastika, la croix gammée ou plutôt à son origine la Croix de Malte.


BIET GOLGOTHA et BIET MICHAËL

On arrive à Biet Golgotha par un souterrain.

C’est à Biet Gologota que se trouve le tombeau du roi Lalibella.
Les deux églises sont accolées. La première aux belles fenêtres en ogive forme en quelque sorte péristyle de l'autre. Les deux églises sont destinées à jeter un pont entre l'alliance de la loi donnée au Sinaï et l'alliance de pardon conclu sur le calvaire.


BIET GOLGOTHA

Creusée dans la roche autour d'un grand pilier monolithe.
Une crypte dite de la Trinité (Sélassié) et un talon de rocher désigné comme le tombeau d'Adam, se joignent aux églises du Golgotha et du mont Sinaï (autre nom de Biet Michael).

Peinture sur toile : histoire de Marie et de Saint-Georges terrassant le dragon.

Statues des Saints dans le mur (Saint portant la croix à hampe et livre, sculpté et peint dans les niches cintrées l'église du Golgotha).

BIET MICHAËL

Biet Michael a un seuil sur-élevé.

Une dalle mobile encastrée dans le sol serait le lieu du tombeau du roi Lalibela.

Dans le mur, les figures de saints, debout sous des arcs en plein cintre destinés à les mettre en honneur. Un peu plus grands que nature et d'une grande noblesse. Leur tête est ceinte d'un turban, leur corps est vêtu d'une robe et d'un manteau aux plis stylisés et tombant sur des pieds nus, leur nom est inscrit en guèze au-dessus de leur tête.


Après ce groupe, on sort vers le village. On y voit la case à étage typique de Lalibella (deux niveaux, deux pièces).
La rivière nommée "Jourdain" par le roi Lalibela traverse le village. Au milieu du lit à sec... une croix...


L'ÉGLISE SAINT GEORGES

Puis on nous montre une autre croix immense dans le paysage. À ma surprise je réalise qu'il ne s'agit pas d'une croix mais du toit de la fameuse église Saint-Georges. L'effet optique est sensationnel. Mais il est impossible de la photographier, il faudrait un grand angle, ou alors il faut grimper dans un arbre !


Bien séparée des deux groupes majeurs, Biet Giorgis, l'église Saint-Georges, à l'ouest du village, est une étonnante merveille. Elle se trouve à part des deux autres groupes, la tradition figurant la distance locale comme une distance dans le temps : le Saint chevalier, patron protecteur des Éthiopiens guerriers, apparut au roi Lalibela après l'achèvement des deux groupes d'églises. Il se plaignit que nulle maison n'avait été prévue pour lui. Le roi promit de réparer sans retard cette négligence en élevant une église plus belle que toutes les autres.


L'accès se fait par une suite de couloirs qui mènent au fond de l'immense fossé, un puits profond de 12 m presque carré (22 m sur 23 m), d'où s'élève la masse couronnée de la croix grecque.



Lalibela


Lalibela Lalibela


Pour y accéder il faut descendre dans une grande faille et suivre le couloir aux hauts murs.
Comme cela doit se remplir vite à la saison des pluies !


Lalibela


Et on accède dans le trou au milieu duquel se trouve construite l'église.
Sept marches très hautes et de plus en plus hautes conduisent à la porte d'entrée.


Lalibela


L'église elle-même, de près, et de l'intérieur, est décevante. Ce qui est extraordinaire c'est la conception de ce monument qui de loin a l'aspect d'une croix plate et non d'un édifice. Et aussi le système de communications, d'échappatoires d'une église à l'autre, un dédale de labyrinthes conçu au 12 ème siècle.

Tout autour se trouve des niches creusées dans la roche où l'on voit encore des squelettes momifiés en excellent état.
Ce sont, paraît-il, les corps des prêtres qui ont fait quelque chose de mal, volé par exemple, et que l'on a tué pour les punir.


Goûter le tedj et faire des rencontres

Au lieu de retourner directement à l'hôtel, nous décidons de nous encanailler dans les "Tedj bets" (ou maison à tedj, plus ou moins parfois maisons closes), mais aussi pour arriver à avoir quelque contact direct avec les gens, alors que nous sommes toujours en groupe. Il faut dire aussi que le meilleur Tedj de toute l'Éthiopie est réputé pour être à Lalibela. Alors il faut bien essayer.

On demande au premier venu, il nous indique le chemin. C'est inscrit sur la maison, on entre : une pièce, quelques tables basses, quelques tabourets. Propreté relative. On demande "Tedj". La patronne nous montre une bouteille de 1 litre qui coûte 1 birr. Non, non, c'est trop, juste deux verres ! OK, 2 verres, 25 centimes.

La patronne sort un énorme bidon en fer qui contient le tedj et le transvase dans une bouteille en verre. Nous regardons d'un air inquiet la couleur des verres. La patronne a vu une autre regard et avec une goutte de tedj rince les verres devant nous. Nous lui adressons un grand sourire. Nous goûtons : c'est sirupeux, très épais. C'est qu'ici on ne lésine pas sur la quantité de miel. En effet il est très bon. Mais quand même, c'est un peu dur à finir.

Il n'y a que nous dans la Tedj Bet et trois petites filles qui sont venues s'assoir aussitôt près de nous. Nous avons fait connaissance avec nos grandes amies de Lalibela. En fait ce sont deux petites filles, Ashrou et Aster, et un petit garçon Haïlé Mariam. Tous environ 5/6 ans.


Lalibela


Ça a commencé avec quelques "TenaYestelign", "Zerestelign". Et les gamines qui répètent aussitôt tout ce que nous disons en français. Surtout Ashrou, qui est très jolie. Elle a une petite voix toute fluette et c'est marrant d'entendre les mots français par cette petite voix.

Elles ont commencé avec photo, centimes..., et comme cela n'a pas marché, ça a continué par quelque chose comme "nez". Alors j'ai compris que "nez" voulait dire "baiser" en amharique. Et voilà la gamine qui n'arrête pas de m'embrasser et de sauter dans mes bras. Malheureusement, je me suis refusée, moi, à lui rendre ses baisers, par hygiène...

Nous quittons la Tedj bet et nous nous promenons dans le village toujours accompagnées des gamines. Un garçon plus âgé, 16/17 ans, se joint à nous. Comprenant que nous ne sommes pas là pour "donner des centimes" mais que nous avons beaucoup sympathisé avec les enfants, il se pose lui aussi en ami et nous propose de nous emmener voir le tisserands. On dit OK. Un vieil homme dans une cour tisse un tapis, en dessinant comme motifs des lions avec trois couleurs de laine, blanc, marron, noir. C'est étonnant mais la laine manque de finesse.

Nous faisons sauter les gamines par les mains et elles s'amusent énormément. Le garçon nous dit qu'il essaiera demain de nous emmener voir sa famille et qu'en attendant on va boire un verre de tedj. On refuse, on lui dit qu'on vient déjà d'en boire un et qu'on a déjà la tête qui tourne. Mais il insiste et on est forcé d'accepter.

Nous faisons donc la deuxième Tedj bet de Lalibela. Même style que la première, mais avec un comptoir en plus. Nous nous asseyons. Le tedj est aussi bon. Nous continuons notre apprentissage de l'amharique, qui se poursuit par un apprentissage du tam-tam éthiopien, avec les mains tapant sur la table. Rythme de deux coups à la main gauche pour un coup à la main droite. 2/1 2/1 2/1, et de plus en plus vite. Je m'y crois !

Et voilà qu'Ashrou, gamine de six ans, se met à frapper des mains et à remuer les épaules, comme dansent toutes les Éthiopiennes. Déjà, à cet âge elle sait danser ! Quelle soirée !

La patronne de la Tedj bet a essayé de nous rouler en nous faisant payer 1 Birr pour le tedj. On s'est révolté en disant qu'on venait de le payer 25 cents ailleurs. Le gars, notre ami, lui a fait comprendre qu'il n'en était pas question. Et de plus il s'est refusé à ce que l'on paye, c'est lui qui a payé, il a voulu absolument nous offrir ce tedj.

Dîner immangeable

Nous rentrons à l'hôtel. Le repas du soir est immangeable. La soupe a une odeur de vieux. La viande baigne dans la sauce. On ne mange rien. Le patron de l'hôtel, un homme si charmant, voyant qu'on ne touche à rien, est désespéré et nous demande si on aimerait une omelette. On acquiesce avec grand plaisir. Malheureusement, cette omelette baigne dans l'huile, et même à deux on n' arrive pas à la finir. Le patron semble très vexé.

Couchée à 21h 30


Jour 8 - Mardi 14 avril 1981

Lalibela - 2 ème jour

Ce matin, réveil à 5h 50. Départ à 6h 45. De nouveau, problème de bouffe : en guise de tasse de café ce matin j'ai droit à une tasse de marc. Bon je me passerai de café pendant trois jours, c'est très dur. Je me nourrirai de toasts et de miel, c'est mangeable (pas le beurre par contre).


ÉGLISE ASHETEN MARYAM

Excursion à dos de mulet

C'est pour cela qu'il fallait se lever tôt. C'est d'autant mieux à cause du soleil, qui est très dur en fin de matinée.

Devant l'hôtel, une foule de muletiers avec leurs mulets nous attend. En Éthiopie, il est dégradant de se faire transporter sur un âne, on monte sur les mulets. Les ânes, c'est bon pour transporter les charges. Donc ils s'amènent un par un, avec leur mulet, sous l'œil inspecteur de notre guide éthiopien, qui rejette les plus revêches.

Il y a des plus grands, des plus petits, des tranquilles, des pas tranquilles. J'observe, j'observe, j'ai l'intention de bien choisir ma monture... Je laisse passer les premiers et enfin celui-là, je le repère, il a l'air sympa est propre. Je n'aurai qu'à me féliciter du choix que j'ai fait : le mulet très sympa et le muletier, aussi.

Il faut grimper en haut de la montagne qui surplombe Lalibela, vers une grotte dont on aperçoit d'ailleurs les trous blancs d'en bas du village. L'excursion est d'autant plus intéressante pour la balade à dos de mulet à travers les montagnes et les panoramas superbes, que pour l'église elle-même... qui ne casse rien.

On met 1h 30 pour arriver en haut, c'est-à-dire à 3000 m. Le parcours à dos de mulet me réussit très bien, mais par contre, c'est très difficile pour moi qui respire très mal en altitude, de monter à pied, car quand certains parcours sont trop difficiles pour les mulets, il faut en descendre. Surtout à la première descente du mulet. Sur le dos de la bête on ne ressent absolument pas les problèmes d'altitude, et tout d'un coup on se retrouve à 3000 m, air raréfié, et faisant un exercice d'autant plus pénible : la marche et la grimpette.

Je respire comme une locomotive. Mon muletier s'empare de mon sac en me faisant comprendre qu'il va me le porter jusqu'en haut. Pas très rassurée... il y a mon appareil photo dans mon sac, pas mon argent heureusement qui est sur moi. Mais gênée de le vexer et d'autant plus que cela me soulage et diminue mon effort, je le lui abandonne tout en gardant un œil lointain dessus.

Enfin arrivée. La vue est évidemment sensationnelle.

L'explication de cette église qui est complètement isolée c'est que le roi à Lalibela a commencé par construire sa première église ici, sur la montagne, car c'était isolé et en dehors des terres cultivables. Mais comme la roche était trop friable, il a abandonné et a construit ses églises en bas dans le village. Il avait essayé de tout construire dans le rocher, mais n'y est pas arrivé et il a dû mettre des pierres pour soutenir la roche. Aujourd'hui le toit a été restauré. Nous avons droit à la traditionnelle sortie du prêtre et de sa croix.

À côté, se trouvent quelques cases, il y a quelques piments qui sèchent. Les gosses vendent des sistres et des rouleaux, à des prix déments. Un vieillard vend un triptyque. Il est allongé dans sa case qui ne fait pas plus qu'1,50 m² et il je suis choquée de voir un homme si vieux vivre dans ce trou. Plus tard, j'apprendrai que cet homme à la longue barbe blanche est un ermite, qui s'est installé là, près de l'église.

Nous redescendons à dos de mulet. Il fait tantôt très chaud, et tantôt très froid quand nous traversons les zones ombragées de la montagne. Dans la descente, nous faisons une grande partie à pied car c'est très dur pour les mulets. Question respiration, la descente ça ne pose pas de problème, mais c'est au niveau des chaussures. Les sentiers sont recouverts de petits cailloux rond qui roulent sous les pieds, et il faut de très bonnes chaussures de montagne qui accrochent bien. Comme beaucoup d'entre nous n'en avions pas... il y a de belles glissades et de chutes sur le postérieur.

Arrivés à l'entrée de l'hôtel il nous faut donner un pourboire à nos muletiers. Mes deux birrs semblent satisfaire le mien. C'est ce qu'on nous avait conseillé de donner et il faut reconnaître qu'il a été très sympa jusqu'au bout, et il me quitte avec un grand sourire. Par contre, d'autres d'entre nous ont rencontré des problèmes avec leurs muletiers qui trouvaient que deux birrs ce n'était pas assez et exprimèrent leur mécontentement.


Visite du second groupe d'églises

Cet après-midi nous allons visiter le deuxième groupe d'église de Lalibela. Nous nous y rendons à pied, en traversant le village. Nous voyons une scène de village sensationnelle : les femmes avec leurs cruches, à la fontaine, faisant la queue pour prendre de l'eau. Il faut dire que les jarres ont une forme très particulière, aux bouchon qui flotte sur l'eau et qui a une forme très phallique.


Lalibela



Le second groupe des églises est constitué par


BIET EMMANUEL
BIET MERKURIOS
BIET GABRIEL
BIET LIBANOS

Lalibela

BIET EMMANUEL

C'est la n°8 dans les constructions du roi Lalibela.


C'est un énorme bloc rectangulaire de 17 m de long sur 11 m de large et de 11,50 m de profondeur, ce qui le fait paraître encore plus profondément enterré.

Son plan est celui d'une basilique à 3 nefs, vêtue d'un extérieur à bandeaux parallèles rentrant et sortant, de style axoumite, et d'une couleur rougeoyante très vive due à des restaurations rendues nécessaires.

Ce fut sans doute la chapelle royale annexée au palais au temps de Lalibella.


Il n'y a pas de peintures à l'intérieur.
Elle est intéressante à cause de son style axoumite.
L'appareil des murs est d'une technique très particulière : des poutres qui ressortent du mur.


Le style axoumite
de Biet Emmanuel

→ Les murs sont renforcés à intervalles réguliers par des poutres horizontales.

→ Portes et fenêtres font parfois parties intégrantes de la structure.

→ Des frises intérieures sont largement et régulièrement utilisées.

→ Les plafonds sont divisés en caissons.

Lalibela


BIET MERKURIOS

C'est la n°9 des églises de Lalibela.
On y accède au travers de tranchées profondes, de cours, de salles. On a pensé que c'était des salles de réunion, un lieu de rassemblement pour les pèlerins. La chapelle qui est annexée n'est pas orientée. Des fresques apparaissent sur le pilier d'entrée : des saints, des prêtres, des rois ou des martyrs, et sans doute parmi eux, la tête couronnée, le roi Lalibella.


BIET ABA LIBANOS

C'est la n°7 des églises de Lalibela.


L'un des types les plus purs de l'église hypogée, un véritable joyau, à la façade pratiquée dans la falaise. Cette façade est réalisée dans le sens de la hauteur. Elle se présente en forme de six colonnes encastrées et s'élevant jusqu'au toit, pris lui aussi dans la roche.

L'intérieur est d'un plan simple, très restreint devant le "Mogdas", le Saint des Saints.

Elle fut consacrée dès l'origine au Saint moine Abba Libanos. L'entrée donne dans une salle décorée avec le même soin que la façade.

Lalibela


À droite de la fenêtre, une pierre, comme un trou qui brille, comme un diamant, mais seulement la nuit : ce sont des pierres phosphorescentes.


BIET GABRIEL

Ou l'église des archanges. C'est la 6 ème construction de Lalibela.
Des peintures récentes de Saint Gabriel et des vieux manuscrits.



Elle est dotée d'une imposante façade ornée de niches en ogive, qui domine une cour inférieure creusée à 15 m en dessous du sanctuaire.

Cette position élevée de l'entrée implique un accès bien défendu et qui est permis par un petit pont rustique, constitué de quelques troncs d'arbres. Une sorte de bastion, taillé lui-aussi dans le roc, fortifiait encore cette défense.

On a pensé que plutôt qu'être une véritable église, Biet Gabriel pouvez être un palais, ou une construction civile. On a voulu voir également dans les deux plates-formes qui précèdent la façade un tribunal réel ou encore la matérialisation sur un plan mystique du prétoire où Jésus fut condamné par Pilate.

On dit aussi que l'église actuelle n'est pas la vraie. Celle-ci aurait été fermée et murée après l'invasion musulmane du 16 ème siècle, après que l'on y aurait caché le trésor du sanctuaire. Des fouilles infructueuses ont été faites, notamment en 1939 par les Italiens, pour retrouver ses richesses, peut-être irrémédiablement perdues.


Vers 17h 30 la pluie se met à tomber, à un point qu'il faut quand même se couvrir. Elle tombera toute la nuit, une pluie diluvienne, de l'orage. C'est la saison des pluies de février qui a deux mois de retard ! Pour une fois l'imperméable sert, et il servira encore pas mal !

Sur le retour on traverse le village, on voit les gens occupés à leurs taches quotidiennes : filage, tissage.
C'est l'homme qui tisse, comme c'est aussi l'homme en Éthiopie qui cout... battage des grains, pilon.

Je rentre à l'hôtel.
Pour aller dîner, il faut s'équiper car la pluie est diluvienne.

Danses

Ce soir on a droit à des danses. Les serveurs se transforment en danseurs. Même le patron de l'hôtel, et notre guide aussi, s'y mettent. Il n'y a que des hommes, ils interprètent aussi les rôles de femme.

Ça commence toujours par les tambours, puis viennent les battements des mains qui scandent, et ensuite le violon, et ensuite le chant.

On a droit à une danse de mariage, une danse de guerre au cours de laquelle les danseurs poussent des hurlements de guerre, et une danse d'église avec sistre et bâton de prière (maqwaniyal).


Jour 9 - Mercredi 15 avril 1981

Lalibela - 3 ème jour

On devait partir, mais.....

Matinée libre. Parce que le groupe d'Africa Tour prend le premier avion du matin, et nous, il faut attendre 16h 30 pour qu'un autre avion vienne nous chercher, soi-disant venant d'Asmara.

Et voilà, pour une fois qu'on pouvait dormir.... une erreur de réveil ! À 6h 15 on frappe très fort à notre porte. On était sur la liste des gens à réveiller de... Africa tour. "Mistake, Mistake"... Le pauvre serveur est désolé et ne comprend rien, la chambre n°5 est bien inscrite sur son papier...

La pluie ne tombe plus. Mais la terre est bien détrempée.

Au petit déjeuner, je fais une deuxième tentative de café. Paraît-il que je suis tombée sur une mauvaise cafetière. En effet ce coup-ci, pas de tasse de marc, le café est... passable.

Nous partons nous balader dans le village. Nous croisons des porteuses d'eau, avec leurs cruches aux bouchons phalliques qui flottent sur l'eau.

Nous allons sur le marché (légumes, graines, feuilles), assez pauvre et maigrelet, et pas très coloré étant donné le blanc des costumes amhariques.

Nous refaisons une visite en libre de toutes les églises que nous avons visitées les jours précédents. Nous retrouvons notre chemin dans les méandres des couloirs qui mènent de l'une à l'autre. Dans le fond c'est très logique.

Nous tombons parfois sur un groupe d'hommes chantant des litanies dans une des églises. Nous nous déchaussons et entrons sans faire de bruit, et on ne nous dit rien. C'est très agréable de se balader seuls.

Parfois des gamins nous escortent et on a assez de mal à s'en débarrasser, mais curieusement ils arrêtent de nous suivre quand nous nous approchons de l'église.

Il a beaucoup plu. La terre est de la boue, mais les chemins qui mènent aux églises et que je pensais seraient devenus des fleuves, sont à peine mouillés, et on y circule très bien.

Nous rentrons par le village, quelques maisons à balcons, des hommes poussant leurs ânes chargés, des enfants nous harcelant, et il suffit de pousser un cri, bien en colère et d'un ton bien sévère, pour que tout le monde se sauve...

Nous rentrons à l'hôtel. On rencontre la petite Ashrou, ma grande copine. Que d'embrassades que de "nez, nez". Cette fois-ci je fais la photo : elle est ravie. Et je lui donne une épingle à nourrice (les filles portent des épingles à nourrice en pendentif). C'est tout ce qui me reste comme cadeau. Et on se fait de grands adieux.

On déjeune. Tous les bagages sont prêts. Le groupe d'Africa Tour qui devait prendre l'avion de 9h 30 n'est parti qu'à 11 hres passées. Alors nous !... Enfin, en principe, ce n'est pas le même avion. Ce qui nous inquiète le plus c'est que plus le jour avance plus le temps se gâte, et nous avons la hantise de vivre un second "Vomiting Flight" !

Nous quittons l'hôtel à 14h 30. Espoir. Nous allons à l'aéroport en jeep. Ce trajet en jeep a toujours été un des parcours les plus grands enchanteurs que j'ai connus.

A l'aéroport

L'avion n'est pas encore là. On débarque les bagages. On pèse. On étiquette. On attend... On attend.

Cruauté : le vent se lève. La pluie se met à tomber. Le vent devient terrible. Une tempête. On doit s'abriter dans la petite rotonde qui sert d'aéroport et où aucune place n'est exempte de courants d'air. Ça se calme. On se remet dehors. Il y a là quelques groupes d'enfants, des hommes armés, mais à l'allure tellement pauvre qu'il ne font pas très farouches, des hommes en peau de bête, un grand jeune homme au fusil, aux magnifiques cils recourbés et portant une boucle d'oreille, qui s'effarouche quand on essaye de le photographier.

Hurrah ! Un avion en vue ! On a l'air de naufragés faisant de grands signes pour qu'on les sorte de là. C'est un peu cela... On réalise bien qu'on se trouve dans un cul-de-sac, un endroit merveilleux il est vrai, mais on aime bien être sûr qu'on peut tout de même le quitter... quand on veut.

L'avion fait un grand cercle autour de l'aéroport. Il doit reprendre la piste par l'autre bout. Va-t-il descendre enfin ?
Et non... il a bien l'air de reprendre de l'altitude ! Et le voilà qui n'est plus qu'un point noir au loin.

Anéantissements. Et comme à l'aéroport il n'y a pas de téléphone, ni la radio (sic), on ne sait pas ce qui s'est passé. On est devenu quand même bien pessimistes. Il faut donc renvoyer une jeep à l'hôtel car il y a la radio à l'hôtel qui peut se mettre en relation avec l'avion. L'hôtel, le village, ce n'est tout de même pas à côté. Un aller et retour... Il faut attendre.

Retour de la jeep. On nous apprend ce que l'on avait pressenti. Vent très fort, impossibilité d'atterrir... Pourtant à côté de la tempête qu'on avait subie quelques heures auparavant, on trouvait que le temps s'était bien arrangé. Le pilote a dû avoir peur d'atterrir.

Donc retour en jeep à l'hôtel. Le paysage par contre est devenu superbe. Avec la pluie, la couleur ocre de la terre est ressortie et contraste avec le vert des feuilles, et les oueds qui étaient à sec se sont remplis en l'espace d'une heure, ils sont devenus des torrents.

De retour à l'hôtel

L'hôtel qui a reçu quelques nouveaux clients a tout de même encore des chambres pour nous. Et même beaucoup retrouvent la même chambre qu'ils ont quittée.

C'est le premier incident du voyage !

On essaye de se remonter le moral. Et comme l'un d'entre nous a son anniversaire plus ou moins ces jours-ci, on improvise un repas d'anniversaire aux chandelles (des bougies de ménage collectées dans les chambres et destinées à pallier aux coupures d'électricité), avec soupe à la farine et aux légumes, du foie et des tripes (sic) : heureusement que j'ai eu la bonne idée de demander au serveur ce que c'était, il m'a répondu "liver" !. Mouton, pommes de terre, et crêpes en guise de gâteau d'anniversaire, décorées avec des œufs durs et des carottes râpées (sic, sic). Et comme cadeau d'anniversaire un petit savon bien enturbanné.