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Jour 2 - Mercredi 8 Avril 1981

BAHAR DAR (2 nuits)

(La source du Nil Bleu)


Vol d'Addis Abeba à Bahar Dar

Le réveil est dur... à 5 hres du matin. Et c'est un rythme qui va durer pendant tout le voyage...
Départ à 6 hres. On a un vol pour Bahar Dar à 7h 15.
Les formalités ici c'est du rapide.

Les avions des lignes intérieures sont des DC 3. Autrement appelés les "Dakotas" pendant la guerre. Ce sont des avions à hélices. Ils sont joliment décorés, très inclinés, avec pour tout équipage un stewart et un pilote. Et pas de micro pour les annonces. Le stewart fait son petit discours à haute voix.

Comme le DC 3 a une capacité de 26 sièges et que nous, on est 24, à chaque vol on remplit l'avion, avec en plus un ou deux Ethiopiens.

On survole les gorges de DEBRE LIBANOS, de larges gorges au fond desquelles coule la rivière du même nom, affluent du Nil Bleu. On aperçoit le Nil Bleu (il est d'un gris !) et les chutes de TISSIAT (comme elles sont petites !). On voit les villages de toukouls entourés par une enceinte.


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Arrivée à Bahar Dar

Bahar Dar est à 1855 m d'altitude. Le nom "Bahar Dar" signifie "Les portes du lac", parce que Bahar Dar jouit d'une situation privilégiée au bord du lac Tana. C'est la "ville source du Nil Bleu".


Prenant sa source au lac Tana et s'étalant sur une longueur de près de 800 km à travers le pays, le Nil Bleu est le plus grand fleuve d'Éthiopie. Il est l'un des deux bras qui forment le Nil en rejoignant le Nil Blanc au Soudan.

Chargé d'histoire et bercé de légendes, le Nil Bleu regorge de sites d'intérêts, à l'instar de ses impressionnantes chutes, qui sont sans surprise le site naturel le plus visité du pays.

On atterrit à 9h 15.
Il fait très chaud, on estime à bien 28°.

Le terrain d'aviation le plus folklo du voyage

Le terrain d'aviation de Bahar Dar est le plus folklo qu'on ait vu de toute l'Ethiopie. C'est un champ au milieu du village, là où les enfants jouent au ballon. Et quand l'avion arrive pour atterrir, c'est à dire une ou deux fois par jour, tous les gosses se retirent à toute vitesse, et l'avion atterrit.

On se rend à pied jusqu'à notre hôtel. Oui, à pied, de "l'aéroport" !
Il fait très chaud et sec. Ici on espère la pluie depuis des mois.

Les longues allées bordées de palmiers et la présence d'un palais sur les hauteurs de la ville témoignent de l'ancienne ambition de l'empereur Hailé Sélassié de vouloir faire de Bahar Dar la capitale moderne de l'Éthiopie.


Les chutes du Nil Bleu à TISSIAT

On part vers 11 hres du matin.
Tissiat signifie "l'eau qui fume", ou "fumée de feu" en amharique.


Situées à une trentaine de kilomètres en aval du lac Tana, les chutes du Nil Bleu, également appelées "Tis Issat" qui signifie eaux fumantes, se déversent à 45 mètres de hauteur sur 400 mètres de large.

Elles représentent ainsi, après les chutes Victoria, les deuxièmes plus grandes chutes d'eau du continent africain. Elles offrent un paysage à couper le souffle dans un vrombissement permanent...


On se rend à Tissiat en voiture. Environ une trentaine de kilomètres, donc.
Puis il faut marcher à peu près 1/2 heure.


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Et là, c'est la déception ! On est en saison sèche et les chutes d'eau sont bien maigres. L'eau qui fume... on se demande bien "quand" ! Et l'eau n'est pas bleue comme le ciel, elle n'a aucune couleur.

On descend un peu la colline. Moi, je m'étais équipée, car soit-disant on était censé être très éclaboussé et marcher dans de la gadoue... En fait on ne se rapproche pas des chutes, on est très loin.

Déjeuner

Retour à l'hôtel pour le déjeuner.

Ghion Hotel
(anciennement Ras Hotel)


L'hôtel Ghion est dans un merveilleux jardin rempli de fleurs, au bord du lac.
On loge dans des bungalows. il y a plein d'oiseaux, et des rapaces, des gypaètes je crois, aux ailes immenses.
Et on y mange très bien.


Soupe aux haricots blancs
Spaghetti (en hors d'oeuvre)
Espèce de boeuf en sauce
Pommes de terre
Salade de fruits


Ce que nous mangerons en Ethiopie

C'est le menu type des hôtels éthiopiens... Un amas de féculents et un régime carné...

→ La soupe aux haricots ça pourra être ailleurs une soupe aux lentilles, ou une soupe que nous baptiserons la soupe "à la blédine" c'est à dire une soupe épaissie par une telle quantité de farine...

→ Les spaghetti, ah ça ! C'est l'héritage de la colonisation italienne. Des spaghetti en entrée comme en Italie. parfois des demi-livres de spaghetti (avec les haricots et les pommes de terre au même menu !). on finira par avoir une indigestion de spaghetti en Ethiopie !

→ La viande
Incroyable. Dans un pays qu'on croyait "sous-développé" on avait parfois trois plats de viandes au même repas. On avait une quantité à manger à en éclater.

→ Des légumes verts aussi : des carottes, des épinards, du choux. Les épinards et le chou ont un goût très spécial, très "éthiopien"...

→ Le dessert
Ce sera salade de fruits ou banane ou orange, ou, comble de la cuisine éthiopienne, du "plum pudding" très collant, des oeufs au lait, ou du gâteau de riz, d ela crème caramel, des crêpes parfois.

→ Pour boire
L'eau du pays s'appelle l'"Ambo". C'est une eau gazeuse, toujours gazeuse et ultra chargée en magnésium. (Était-ce là la cause de tous nos problèmes intestinaux ?).

Le prix de l'Ambo varie entre 55 cents et 1 Birr, ou l'incroyable prix du Hilton d'Addis-Abeba... 1 Birr 75.

Après-midi

On a quartier libre jusqu'à 15h 30. Je me lave les cheveux et fais ensuite un peu de bronzing.
Le temps se couvre. On a cru que la pluie allait tomber, mais non, le ciel est menaçant mais il ne pleut pas.

On se rend en bus sur une colline d'où on découvre le panorama sur le Nil et le Lac TANA.

On passe devant les sources du Nil Bleu.

Puis on va visiter un village, un village de toukouls. Des enfants, la foule, quoi !

Puis visite du marché, un marché qui a lieu tous les jours. Epices, petites tomates minables, sel, bestiaux, écharpes.

On rentre à pied. On se fait accoster par les gamins. On discute. L'un raconte qu'il vit avec son père et son frère et la femme de son frère. Il est en septième à l'école.

On lui demande de nous conduire jusqu'à l'église. Parce que l'église est située derrière un immense panneau représentant Marx Engels et Lenine (comme on le voit dans toutes les villes d'Ethiopie). Et on voudrait bien prendre en photo le panneau sans top attirer l'attention... en prenant la photo de ... l'église...

On entre dans la cour de l'église. On ne peut pas la visiter, elle est fermée.

A ce moment-là, un plus grand, 17/18 ans, s'amène vers nous et nous dit :
"Vous n'avez pas le droit de parler avec des étudiants". "Lui" vous pouvez lui parler parce que "he is a child".
"Mais les étudiants ils n'ont pas le droit de parler aux étrangers"...

On lui demande alors pourquoi "lui" vient nous parler. Il nous répond : "On ne doit pas, mais !..."

Et en fait il nous rattrape et c'est lui qui entreprend de nous conduire. On n'a pas très bien compris la démarche. Surveillance ou simplement envie d'évincer le gamin et, lui, de servir de guide aux étrangers ?

On marche jusqu'à la Polytechnical School. C'est assez loin. Mais là encore on n'a pas le droit d'entrer.

On retourne vers l'hôtel. Sur le chemin un grand sifflet retentit, c'est comme une sirène.
Le gamin nous dit "stop" ! Il nous oblige à nous arrêter et à rester immobiles.
C'est le salut au drapeau.
La montée du drapeau sous un soleil couchant et rougeoyant, magnifique.

Quand nous arrivons devant l'hôtel, le gamin qui nous accompagnait nous fait le cinéma habituel : il n'a pas d'argent, pas d'école, et surtout... il veut notre adresse en France ! Il nous dit "adiss" (address)... On fait mine de ne pas comprendre. On lui explique que ça ne sert à rien, que si il veut que nous lui envoyions quelque chose, que c'est plutôt nous qui devrions avoir son adresse à lui, mais la nôtre ça ne lui servira à rien.

Ça tourne aux larmes... On apprendra par la suite qu'en Ethiopie pour pouvoir sortir du pays, pour avoir un visa, il faut avoir un répondant dans le pays où l'on veut se rendre. Est-ce pour cela qu'on nous demande désespérément nos adresses ?

La nuit tombe, il est près de 19 hres, mais doucement, pas brutalement comme dans certains pays tropicaux.

Dîner

D'abord on prend un apéritif de bienvenue dans le jardin.
Le "tedj"... pas mauvais celui-là, et le "Katikla", un alcool fort mais pas mauvais.

On dîne en compagnie de notre guide éthiopien, qui nous accompagne pendant ce circuit, et qui se nomme GUEDEY. Son nom se prononce "Guidé"... pour un guide ce n'est pas mal, on parlera donc de "notre guide Guidé". Et l'autre guide qu'on aura quand on sera à Gondar, lui se nommera "Addis"... on est vraiment gâté !

Le repas :

Dîner

Soupe de tomates et légumes
Poison pané
(Il y avait des crudités mais on ne mange pas de légumes crus, nous, ici).
Poulet très, très épicé
Epinards, purée de pommes de terre
Une orange petite, verte et délicieuse


Les autres vont voir le "quartier chaud" de Bahar Dar. Moi je me couche, je suis crevée. Il est 21h 30 !


Jour 3 - Jeudi 9 Avril 1981

Visite aux îles du Lac Tana

Le Lac Tana est célèbre parce qu'il possède sur ses côtes des monastères coptes superbes. On dit du Lac Tana que c'est une véritable mer intérieure. Quand on le survol d'avion, on se rend compte de son immensité.



lac Tana lac Tana



Le lac Tana se trouve à 1 840 m d'altitude, il est le plus grand lac d'Éthiopie. Il a été formé par la dépression de deux types de laves : celle del'Aden Lava Series et celle de Trappean Lava Series, le lac apparut petit à petit alors que les montagnes aux alentours s'élevaient doucement. Il a une profondeur de 9 m.

Dans l'Histoire les premières apparitions du lac ne datent que de 1770, après qu'un certain James Bruce eut déterminé la source exacte du Nil Bleu.

Le lac Tana est l'un des berceaux de la spiritualité orthodoxe éthiopienne. Déjà au cours du 13 ème siècle, le lac jouait un rôle important dans la consolidation de l'Empire chrétien d'Abyssine. Il fut, du 14e au 17e siècle, le centre névralgique de l'Abyssinie chrétienne. Il compte 37 îles éparpillées un peu partout, parmi lesquelles 19 ont abrité ou abritent encore aujourd'hui un monastère.

La région du Choa devint immédiatement une terre chrétienne permettant aux moines de s'y réfugier quand les jihads musulmans de Gragñ effectuèrent leurs raids au 16 ème siècle. Le Nil Bleu empêcha l'invasion musulmane en 1926 : à l’époque, seuls les bateaux de papyrus tankwa pouvaient franchir le pont portugais d'Alata.

Les églises et monastères sont richement décorés de peintures et de trésors historiques, artistiques et religieux parfaitement conservés du fait de l'isolement des différentes îles.


On prend le bateau à l'embarcadère qui se trouve à la sortie de l'hôtel. Un bateau très correct fait pour des balades touristiques.

On croise sur le lac les bateaux locaux, les tankwas, ces fameuses barques de papyrus, qui prennent l'eau mais qui tiennent le coup ! Il faut à peu près 1h 1/2 pour arriver à la presqu'île de ZÉGUE, où se trouve à mon avis le plus beau monastère des trois que l'on a vus : URA KIDANE MEHRET.

Le monastère URA KIDANE MEHRET

Situé sur la péninsule de Zeghie, qui abrite également les églises Beta Mariam et Azwa Mariam (Beta Giorgis ayant brûlé), le monastère Ura Kidane Mehret est l’un des plus importants sanctuaires du lac Tana, une église circulaire ornée de fresques extraordinaires, des peintures datant du 18e au 20e siècle.



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Plan de l'église ronde éthiopienne classique


Au 16 ème siècle le fils du roi FASILIDAS, le roi IYASSOU lutte contre les Romains catholiques, il les vainc, il devient roi et fonde Gondar. Il y aura cinq rois et une reine entre 1632 et 1725 qui ont construit tout autour de Bahar Dar et de Gondar.

Tout est original dans ce monastère sauf le toit qui était en chaume et qui est aujourd'hui en paille et bambou.
Les peintures aussi sont récentes : Sainte Vierge, Saint Georges terrassant le démon, supplices.

Comme dans tous les monastères que l'on visite, le prêtre s'habille en costume d'apparat pour la photo, (et pour l'aumône...), sort la croix du monastère, parfois une partie du trésor.

Le "Tabot" : au sens primitif signifie "coffre". Par la suite il ne signifiera plus le réceptacle, mais son contenu essentiel, c'est-à-dire le trésor : les tables de la loi dans l'église. Le "Tabot" est le lieu secret accessible seulement au prêtre et où l'on dissimule les trésors de l'église.

La presqu'île de ZEGHIE est connue pour ses plantations de café et de gesho, ces feuilles qui sont utilisées dans la fermentation du tedj : le tedj est fait de ces feuilles, des graines, tout cela fermente et produit de l'alcool et on ajoute du miel. Pour les supermarchés il est ajouté du sucre en guise de miel, et on fait de l'artificiel !

Il y a des petits villages, l'endroit est très peuplé.
On prend un sentier qui nous conduit à un deuxième monastère.

Le monastère AZWA MARIAM

Fondé par le même roi, à la même époque, le monastère Zeghie Azwa Mariam est du même style que le premier. Un peu moins bien que le premier. On photographie les prêtres avec leurs trésors. Il fait chaud. C'est l'heure de midi.

On reprend le bateau. On commence à pique-niquer sur le bateau. Une tranche de papaye arrosée de citron, une recette éthiopienne que je ne manquerai pas d'importer, c'est délicieux.

On se dirige vers l'île de KIBRAN GABRIEL, environ une demi-heure de bateau.
Le débarquement est difficile. Le bateau ne peut accoster, et ils nous font aménager un de ces petits bateaux de bambou pour nous servir de pont, en se tenant à une corde, et on a débarqué sur la terre ferme en faisant bien attention à ne pas se mouiller, attention à la bilharziose !... C'est périlleux !.

Sur la plage on pique-nique, sandwich, oeufs durs et orange.

Monastère de KIBRAN GABRIEL

Tout ce danger pour débarquer pour rien : le monastère est interdit aux femmes !

L'église a été construite entre 1314 et 1344 et reconstruite ensuite en pierre rouge par Iyassou en l'honneur de l'ange Gabriel, son ange gardien. Un cercle 12 piliers de pierre, chacun symbolisant un apôtre, entoure le sanctuaire public. C'est une église construite dans le style de Gondar.

Tout cela, ce sont les livres qui le disent, car nous, les femmes, on n'a rien vu. On ne peut même pas emprunter le sentier (le seul qui existe sur l'île) pour voir l'extérieur du monastère. On doit rester sur la plage. "On doit" car on n'a pas l'intention de rester là à attendre les hommes qui, eux, peuvent visiter.

On part explorer l'île. On prend le seul sentier, en dehors de celui qui grimpe au monastère, sentier qui suit la rive du lac. Enfin on se fraie plutôt un passage au milieu des lianes. On peut même faire de la balançoire sur les lianes et jouer à Tarzan. C'est un cul de sac. On débouche sur la mer, pardon, sur le lac. Mais il y a tellement de vagues qui déferlent qu'on croirait la mer. On entend le chant des oiseaux très particulier d'Afrique, ce champ répétitif comme une musique ou plutôt un rythme de tam-tam.

Eh bien il n'y a rien d'autres à faire sur cette île ! Il n'y a que le monastère, et rien d'autre, rien qu'un sentier qui mène au monastère, pas un village, pas âme qui-vive à part les moines.

De retour sur la plage, nous retrouvons les hommes qui redescendent, conduits par les prêtres. Ceux-ci ont apporté le livre saint et la croix... pour la photo... pour les dames ! Chose qu'ils font habituellement quand il y a des touristes femmes. D'après les gars il paraît que le monastère ne valait pas autant la peine que le premier que nous avons vu à Zeghie.

Retour sur le bateau par l'intermédiaire du même moyen artisanal : le lit de papyrus et la corde pour se tenir.

Au retour, le lac est très agité. Il y a du roulis et l'eau éclabousse. Danger bilharziose!

Dîner

Un repas de gala, un buffet à l'honneur du premier voyage de Nouvelles Frontières effectué en Ethiopie.
Un cuisinier de maître. Ce qui lui vaudra un bon bakchich...
Des salades de légumes mayonnaise, un poisson froid mayonnaise exquis, j'en reprends !

En plus, nous testons le vin éthiopien : le "Gudar", pas mauvais, légèrement pétillant (du vin rouge), bizarre pour accompagner la viande selon nos goûts français. Mais très agréable à boire cependant.