"Délivrance" ou le Voyage au pays des pygmées
Du 23 Octobre au 7 Novembre 1984
A la scierie
Avec les bûcherons
Vendredi 2 Novembre 1984
Réveil à 5 hres du matin pour pouvoir prendre le camion qui emmène les bûcherons en forêt.
Honoré est inquiet de ne pas voir revenir Louis-Marie, parti en pirogue, et décide de partir à sa recherche, à pied, par les terres.
Nous, nous grimpons à bord du camion, en se servant des énormes roues comme marche-pieds. Nous nous installons tant bien que mal sur les côtés avec les bûcherons debout, accrochés à l'avant, avec au milieu de nous, une énorme tronçonneuse, comme dans les films d'horreur...
La piste est de terre rouge, et nous nous enfonçons dans la forêt. le camion cahote beaucoup, surtout qu'avec la pluie, la piste est devenue boueuse.
Nous arrivons dans un village, enfin, un groupement de maisons. C'est de là que partent les bûcherons pour abattre les arbres en forêt. Nous suivons par groupes de trois, quatre, un bûcheron. On retrouve nos sentiers envahis par les herbes !
Un abattage de bois dans la forêt
Un homme est déjà à pied d'oeuvre près d'un énorme arbre, dont je n'ai jamais su l'essence. Ils sont deux. l'autre doit être un contremaître. le bûcheron porte un casque rouge et attaque l'arbre avec la tronçonneuse électrique.
Nous pouvons rester tout près. La sciure de bois gicle comme une pluie. L'homme n'attrape ainsi qu'une moitié de la circonférence de l'arbre. Nous nous demandons de quel côté va tomber l'arbre, et quand il faudra nous sauver.
L'oeil du contremaître décide. Il nous fait alors signe de nous éloigner, et nous montre vers où.
En effet, en quelques secondes, l'arbre bascule, le bûcheron court à toute allure loin de l'arbre. le plus impressionnant c'est le bruit, le fracas qui retentit quand l'arbre se casse et tombe en basculant.
La coupe est une énorme déchirure irrégulière. le bûcheron regarde son arbre avec la fierté dans les yeux...
Nous assistons à la mort d'un deuxième arbre.
Puis nous en avons assez, et reprenons le chemin qui mène au village, là où le camion attend.
Nous attendons quelques instants les bûcherons qui reviennent, et nous repartons en camion.
Sur le chemin, maintenant, plein de gens circulent : des femmes qui portent sur la tête des planches de bois, des enfants, et des zébus.
Au passage dans le village de Bata Lima, nous re-marchandons une caisse de bières, autant en profiter, puisqu'on peut la transporter dans le camion..
On retrouve le bateau volé
Et quelle est notre surprise en arrivant dans notre maison ! Le bateau est là ! Et Louis-Marie aussi.
Nous avons l'explication : le bateau a été détaché, volé, pendant que l'orage faisait rage, et personne ne l'a entendu. Les voleurs s'intéressaient à son moteur. Une fois sur le fleuve, ils ont essayé de le détacher, mais c'est un moteur un peu spécial, et ils n'y sont pas arrivés. Alors, ils ont abandonné le bateau. Louis-Marie l'a retrouvé, le moteur à moitié couché dans l'eau, à proximité du village aux caféiers. Il a passé la nuit là-bas, a rattaché le moteur, et le voilà ! Il doit encore passer la journée à le réparer.
Seulement voilà, Honoré, lui, est parti à pied à la recherche de Louis-Marie. A quelques heures près, ils se croisaient. Quel contretemps à l'Africaine ! Il n'y a plus qu'à attendre le retour d'Honoré, en espérant qu'on lui dira au village des caféiers que Louis-Marie a retrouvé le bateau, et qu'il est reparti sur Bata Limo.
Se laver !
Pour l'instant le moral est remonté, et nous essayons d'aller nous doucher dans une vraie salle de bain, celle d'André, l'un des coopérants,.Il est tout à fait d'accord et il a dit à son boy de nous montrer le chemin. Nous occupons la salle de bain à plusieurs, et Micheline, la première à être déjà prête sous la douche !
Mais là, déception... il n'y a pas d'eau ! Nous appelons le boy. Micheline est bonne pour se rhabiller à toute vitesse. Malheureusement, il n'y a plus d'eau, et cela ne peut être réparé immédiatement.
Eh bien, direction la Lobaye...
Après la toilette, nous nous faisons des sandwiches sous le regard des enfants du village.
On commence à s'ennuyer
L'après-midi a été longue. une journée sans rien faire, c'était bien, mais deux, c'est trop.
Richard, pris d'une excellente initiative, entreprend de balayer la pièce. Il nous fait déplacer tous nos sacs et nos couchages, et y met beaucoup d'ardeur, sous le regard ahuri de Louis-Marie.
Tout le monde tourne en rond. Bernadette, Bertrand, et d'autres, sont partis chez André. D'autres sont allés au village à la recherche de nourriture éventuelle. Moi et quelques autres, nous essayons de dormir dans la pièce, mais en vain. Je tente de me mettre à écrire, quelques notes, mais cela ne vient pas du tout, mon esprit est complètement vide, même de souvenirs, et encore plus de réflexion. Je bronze un instant, puis je pars vers le ponton m'installer avec quelques autres.
Pêcher
Claude et Roselyne nous rejoignent. Claude a apporté son matériel de pêche : un rouleau de fil, quelques plombs, et un hameçon. Et il s'essaye. Roselyne et moi, nous nous amusons beaucoup à voir les gamins baisser leurs culottes et faire leurs besoins dans la Lobaye, au travers de planches de bois du ponton.C'est le tout à l'égout derrière !
Claude ne réussit à pêcher quoi que ce soit. Roselyne s'y essaye, mais c'est un autre fiasco. Et moi, de même.Et puis, c'est très énervant de tenir un fil à bout de bras et d'attendre, et que rien ne se passe.Même le pêcheur qui est à deux pas de nous, est aussi bredouille. Alors ras le bol la pêche ! D'ailleurs il se fait plus frais, nous retournons à la maison.
La maison s'est repeuplée. Il paraît que c'était l'une des plus belles maisons de toutes, du temps où elle était habitée. On peut imaginer les soirées qu'il devait y avoir dans l'immense salon donnant sur la terrasse.
Dîner : un cochon !
Ceux qui sont allés au village, sont revenus avec... un cochon ! que Louis-Marie ce soir va nous préparer au feu de bois, en méchoui. Mais ils n'ont pas trouvé de papier WC. Il y avait bien quelques "épiceries" mais jamais cette denrée là.La situation devient grave. Bientôt il faudra utiliser les feuilles des bananiers. Ce n'est pas bien grave comme problème, mais qu'est ce que ça peut être important !
Et voilà que l'idée germe d'inviter à dîner les coopérants ce soir. Je ne sais pas qui a eu cette idée, mais elle s'est vite réalisée, et transmise. Ceux-ci ayant accepté, on s'est retrouvé avec ce dîner... à organiser. Car, nous n'avions qu'un cochon, pas tellement gros, et rien d'autre ! Même plus du riz, ni de couscous. Quelques oranges...
Marie-Hélène et moi, nous avions repéré des papayers dans le jardin, bien chargés de papayes. Evidemment, ils ne nous appartiennent pas, et nous nous sentons un peu gênés, mais, vues les circonstances... Nous nous dirigeons discrètement vers les papayers, et pouffant de rire, nous essayons de les goaler avec une branche de bois. Deux grosses papayes tombent sur le sol. Nous retournons à la maison pour les ouvrir. Déception : elles ne sont pas mures, elles sont toute blanches !
Le va et vient, pendant ce temps là, se fait entre la maison d'André et la nôtre, pendant que le cochon tourne sur sa broche. Nous allons les voir, ils viennent nous voir. L'un d'entre eux, un jeune de 17 ans venant de Lyon, et qui apprend ici le métier, a une mascotte : il s'occupe d'un petit singe aux yeux auréolés. Nous nous amusons et photographions le petit singe.
Nous leur expliquons notre manque de matériel pour faire la cuisine, et notre manque de denrées. Peu de temps après, un boy nous apporte un sac de riz et un flacon... d'herbes de Provence !
Le cochon continue de cuire. Nous pensons qu'il est temps d'aller chercher nos amis coopérants. Ils nous invitent à prendre l'apéritif, et nous proposent alors de venir chez eux avec notre cochon, car il y a une tonnelle aménagée très chouette. Nous déclinons l'offre en leur disant que c'est nous qui les avons invités. Seulement, nous n'avons pas de vaisselle suffisante, et c'est eux qui apportent la douzaine d'assiettes en faïence, des verres et des couverts ! Avec nos assiettes et verres en plastique, nous avons bonne mine ! Ce sont les invités qui viennent avec leurs assiettes.
Nous avons décidé de leur servir les meilleurs morceaux, et beaucoup de riz. Le riz est... infecte, on dirait de la brisure de riz, encore de la "pâtée pour chiens" ! Mais qu'est ce que c'est que ce sac de riz qu'ils nous ont donné !
Quant au cochon, il y a tellement peu de chair, et tellement d'os !
Eux, sont très contents de leur repas, c'est le principal.
Mais comment ont-ils pu trouver ce dîner bon ? c'était le plus infecte que j'avais jamais eu.
On a fait la fête
Ensuite, ils ont insisté pour que nous finissions la soirée chez eux, sous la tonnelle. Ils ont des cassettes de musique, et ils voudraient que nous dansions avec eux. C'est vraiment la fête. On est accueilli à bras ouverts. Alors nous acceptons. Nous prenons avec nous nos affaires "précieuses" papier, argent, et appareils photo, et toute la troupe se rend dans la maison voisine.
Ils ont un super transistor stéréo, à très forte puissance, et pas mal de cassettes très chouettes pour danser. L'alcool coule à flots : pastis, whisky, vodka. Ce la m'a toujours frappée à quel point les coopérants en Centrafrique peuvent boire et manger. Ce soir, le nombre des bouteilles qui se vidaient était incalculable.
La danse bat son plein. Tous les succès que j'ai pu danser l'été passé.A 23 hres, le générateur coupe tout. Nous plaçons alors de petites bougies par terre pour y voir plus clair.
Louis-Marie est venu jeter un coup d'oeil, mais il n'ose pas s'approcher. Nous allons le chercher et l'entraînons à danser. mais il ne se sent pas à l'aise. Il esquisse quand même quelques pas, et se révèle être un super danseur, comme tous les Africains le sont... Puis il s'en retourne.
Minuit approchant, et la danse commençant à nous lasser, nous sommes quelques uns à prendre congé de nos hôtes, à leur grand désespoir.
François le ronfleur
Une fois couchés, c'est la ruée sur François (le ronfleur). "Tu ne t'endors pas avant nous, hein !" "Tu ne ronfles pas avant qu'on soit endormi".
Les autres sont rentrés assez vite après nous, et tout le monde s'est endormi.
Je pensais avoir dormi déjà depuis un bon moment, quand j'ai été réveillée par un concert de sifflets.
François ronflait à tue-tête, et toute la chambrée s'était mise à siffler pour tenter de le faire taire. C'était hilarant.