République Centrafricaine
1984


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"Délivrance" ou le Voyage au pays des pygmées

Du 23 Octobre au 7 Novembre 1984

Bateau et route jusqu'à Bangui

circuit en Centrafrique
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Marche en Centrafrique
L'itinéraire de l'expédition
Campement n°12 sur la carte
Au bord de l'Oubangui

Samedi 3 Novembre 1984

Départ de la maison de la scierie

Ce matin il pleut. Pas besoin de faire chauffer l'eau pour la vaisselle, on fait la vaisselle sous la pluie. certaines prennent même leur douche et leur toilette grâce à la pluie qui tombe. Personnellement je trouve qu'il fait un peu froid pour cela.

Notre problème actuel c'est le manque de papier de toilette. On vit sur le rouleau de François et de quelques Kleenex séparés en trois.

Honoré n'est toujours pas rentré. On n'est pas d'accord avec Louis-Marie qui veut partir maintenant. Nous, nous voulons attendre jusqu'à midi, pensant qu'Honoré a du arriver au village des caféiers, et que là, on a du lui dire que le bateau était retrouvé, qu'il a du dormir là bas, et il reviendra ce matin.

Quand la pluie s'est arrêtée, il fait de nouveau bon, et nous pouvons aller faire notre toilette dans la Lobaye, en bas du ponton. Puis je vais laver ma chemise sur le bateau, à la manière africaine, en la frappant à coups répétés sur la coque, et en la trempant dans la Lobaye pour la rincer.

Puis, un peu de bronzage. Les heures avancent. Nous nous apprêtons, nous chargeons les sacs à dos sur le bateau, et allons faire nos adieux aux coopérants, nos voisins.

Chez eux, nous sommes invités à boire de l'eau bien fraîche qui sort du réfrigérateur. Il n'y a que les femmes, car les hommes sont partis au travail. On a l'impression qu'elles restent toute la journée à l'ombre de leur maison, à bavarder, ne se levant pas pour le moindre déplacement, étant donné qu'elles appellent le boy pour un rien.

François a demandé à notre hôtesse s'il pouvait aller laver sa chemise (qui était noire comme de la terre) dans la salle de bain. Eh bien notre hôtesse portugaise s'empressa de lui dire "Ne bougez pas, je vais dire au boy de le faire". Sur ce, elle appelle le boy, et lui dit d'un ton très sec "Va laver la chemise !". J'ai toujours été frappée du ton que les coopérants avaient quand ils parlaient à leur boy, très sec et très autoritaire. Même Claudine, notre copine de Bangui, il n'y avait pas plus gentille qu'elle, parlait aussi très durement à son boy. Les coopérants nous ont expliqué par la suite, qu'ils n'avaient pas d'autre moyen pour se faire obéir, car autrement leurs boys ne faisaient absolument rien, et ils ne pouvaient "plus rien en tirer". De toute façon tous les coopérants sont obligés d'avoir un boy à leur service, s'ils ne veulent pas être ennuyés par les Africains, nous disent-ils. C'est de tradition.

Sur ce, un moment plus tard, le boy est revenu avec la chemise de Fraçois, bleue comme le ciel.

Nous faisons nos adieux. Il est midi. Honoré n'est toujours pas revenu. Alors, nous partons.
Direction le camp des caféiers, sur l'autre rive de la Lobaye.

AU CAMP DES CAFÉIERS

A l'arrivée au village, la première chose que nous voyons... c'est la tente d'Honoré, plantée au bord de la rive. Nous débarquons. Il n'est pas là, mais les vieux du village qui se reposent sur leurs chaises au bord de l'eau, disent qu'il a laissé un message, qu'il faut que nous l'attendions ici.

Du coup, nous avons tout le temps, et nous décidons qu'au lieu de faire des sandwiches pour le déjeuner, nous pouvons bien faire un repas chaud. Nous avons retrouvé le reste de la nourriture que nous avions laissée dans les maisons des villageois. Nous préparons des pâtes à la tomate, puis de la Vache qui rit, et nous visons un pot de confiture en dessert, car nous avons un surplus de pots de confiture !

On attend, assis sur un tronc d'arbre. Il commence à faire chaud, et nous transpirons. Nous décidons d'aller nager dans la Lobaye. Et on sèche si vite !

Ensuite une grosse discussion a lieu, le conseil de guerre... Comme on n'est pas tous d'accord, et qu'on commence à s'inquiéter sur l'attente qui se prolonge, et le temps qu'il va nous falloir pour rejoindre Bangui, et re-confirmer notre vol dans les délais, nous effectuons un vote au sein du groupe. Deux d'entre nous sont d'avis d'attendre encore Honoré, les autres choisissent de partir.

Mais le plus difficile maintenant, c'est de pousser Louis-Marie à partir. Louis-Marie boude. Résistance à l'Africaine. On a beau essayer toutes les convictions logiques dans notre esprit européen... Quand il ne sait plus quoi répondre, Louis-Marie tourne le regard, ou fuit dans un autre coin. Il a même trouvé comme excuse qu'il allait aux toilettes.

On charge les sacs à dos et on l'attend sur le bateau, en espérant que cela le décidera. On aurait pu y rester des heures, ça n'a rien changé.

Alors, on tourne casaque et on lui demande seulement de venir avec nous pour aller chercher de la bière au village d'en face, sur quoi il s'exécute aussitôt.

L'atmosphère est quelque peu tendue. Nous traversons le fleuve, et nous débarquons dans un grand village verdoyant. Je n'y étais jamais allée, mais Bertrand, si, le jour où il est allé chercher les bières en pirogue la première fois.Mais, là, impossible de prendre des photos. Nous allons au café du village. Ce village a l'air très grand et très moderne, par rapport aux quelques maisons qui se trouvent à notre camp des caféiers où nous avions campé. Ce doit être le lieu de ravitaillement ici.

Au café, il n'y a ni bière, ni soda, mais du vin en bouteilles ! Nous en achetons trois, quatre, pour emporter, et nous ouvrons une bouteille pour y goûter... eh bien il n'est pas terrible.

On retrouve Honoré

Quand, qui voit-on alors arriver ? Honoré ! les yeux cernés de fatigue, un sac à la main, effondré... On est tous sidérés. Il nous explique qu'il a marché de Bata Lima jusqu'à ce village, où personne n'avait vu Louis-Marie, donc il ne savait pas que le bateau était retrouvé. Il craignait qu'on manque de nourriture, et il avait acheté des bananes qu'il sort de son sac... complètement écrasées. Puis il a demandé qu'on le fasse traverser en pirogue jusqu'au camp des caféiers, et là, on lui avait dit qu'on était parti pour ce grand village. En fait dans cette histoire, tout le monde n'a fait que se manquer à quelques instants près.

On rejoint tous le bateau. Au bord du fleuve, les femmes africaines sont en train de faire leur toilette, enroulées dans leurs pagnes. Nous pensons à ce moment là que nous les avons peut-être choquées en nous baignant sans nos vêtements !

On repart direction le camp des caféiers, où nous passerons une nuit de plus, car maintenant il est bien trop tard pour naviguer, on partira très tôt demain.

L'incident, l'attente, a ébranlé le groupe. Une décision a été prise : on a déclaré que tout ça c'était fini, qu'on était tous à nouveau ensemble et sain et sauf, et qu'on n'en parlait plus.

Nous faisons notre dernier repas près des caféiers, autour du feu, soupe et couscous, et... vin. Et nous repensons à ce qui a été notre première nuit ici, quand nous transpirions tant pour nous installer à l'intérieur de la tente. Aujourd'hui, tout se fait calmement et bien organisé.


Dimanche 4 Novembre 1984

EN BATEAU

On se lève très tôt : 5 hres !

Honoré a préparé des beignets. J'en mange quatre ! Le record, complètement bourrée !

Longue journée de bateau. Un soleil magnifique, bronzage très cuisant. On y met le paquet, on va bientôt rentrer... On se relaye aux places de devant, ou couchés sur les sacs à dos, ce qui est plus qu'inconfortable, et on transpire sur nos serviettes. Certaines montent même s'allonger sur le toit du bateau.


Sur le bateau au soleil


Le repas se fait à bord : sandwiches au pâté. Et on ne s'arrête jamais, si bien qu''au bout d'un moment les discussions s'animent au sujet d'une demande d'un arrêt pipi imminent. Bernadette se décide à aller poser la question à Honoré qui lui répond : "Vous n'avez qu'à faire à l'arrière du bateau !" Sur ce, c'est la révolution générale de toutes les femmes à bord. On finit par obtenir satisfaction. Honoré stoppe le bateau au bord du rivage. mais la descente est épineuse. C'était loin d'être l'endroit idéal pour débarquer. On doit être maintenant sur l'Oubangui. Christine en profite pour se baigner, et Bertrand, lui, plonge carrément du bateau. Tant pis pour les crocodiles !

Et puis, vers 15 hres, le ciel se couvre, l'orage menace. On exécute aussitôt une organisation rapide et méthodique : tous les sacs, même les sacs à appareils photo, sont placés sous le toit, à l'arrière du bateau, et recouvert par la grande bâche plastique, bien attachée. Nous, nous installons le plus près du milieu possible, en nous serrant. On se couvre : chemise, pull, cape imperméable. Du maillot de bain, on est passé au climat septentrional !

Le ciel prend des couleurs extraordinaires, l'eau aussi, des bleus foncés, moitié vert, moitié noir ... et la pluie tombe, cinglante. Le bateau remue. On doit s'arrêter le long de la rive et attendre que cela se calme. Par les côtés du bateau, la pluie nous mouille quand même.

La pluie cesse. Honoré veut que nous bivouaquions là. Nous, nous trouvons qu'il est encore bien tôt pour s'arrêter, et nous souhaiterions naviguer jusqu'à Bangui, y arriver ce soir, car on a des choses à y faire et nous voudrions y arriver le plus tôt possible. Honoré accepte de naviguer encore un peu.

INSTALLATION DANS UN VILLAGE

On arrive à la hauteur d'un village. Mais, on veut encore continuer, il ne fait pas encore nuit. Mais Honoré, lui, veut qu'on s'arrête là. La discussion s'engage sur le nombre d'heures de navigation qu'il nous reste à faire pour atteindre Bangui. La notion de temps n'est pas très claire chez les Africains car si on continuait ce soir jusqu'à Bangui, on ne mettrait pas le même nombre d'heures que si on continuait demain matin ! On ne comprendra jamais rien à cela !

Bref, c'est Honoré qui décide : on partira tôt demain matin, on arrivera tôt à la douane de de Zingha, personne ne descendra, ce sera Louis-Marie qui se chargera de faire apposer les tampons sur les passeports, et ainsi, on arrivera demain, tôt à Bangui.

Demain, on est Lundi, et on prend l'avion Mercredi.

Ce village où nous descendons doit être plus éloigné de Bangui que le premier où nous avions dormi la première nuit, et d'où on voyait les lumières de Bangui. Là, on ne les voit pas. Et au premier bivouac, on n'avait pas dépassé Zingha encore.

Dans le village on nous propose de nous installer dans une maison en construction (la pluie va t elle re-tomber cette nuit ?). Certains monteront quand même leur tente dehors, mais nous, nous dressons notre tente à l'intérieur de la maison, qui en fait, n'est constituée que d'un toit de feuilles, soutenu par une carcasse et des piliers. On dresse ainsi quatre tentes dans cette maison, et on fera le milieu au milieu des tentes.

On est en plein milieu du village, des maisons des villageois, et il y a soucis pour trouver un lieu d'isolement pour aller aux toilettes.

Les tentes dressées, et même solidement attachées, non par les sardines, mais aux poteaux même de la maison. Nous préparons le dîner. Nous sommes bien à l'abri de la pluie, mais nous ressentons une sale impression d'être en cage... ces piliers de bois tout autour sont comme des barreaux de cage... surtout que collés contre ces poteaux, se sont agglutinés tous les enfants du village qui nous observent, ne nous quittent pas des yeux. On a l'impression d'être des singes de zoo que l'on regarde comme des bêtes curieuses.

L'atmosphère enfumée (le feu de bois) et les enfants qui forment un mur autour de nous, nous créent une impression d'étouffement. Curieuse sensation.

Le feu pique les yeux. On dîne de soupe, de poissons, des tout petits poissons qu'on a achetés à un piroguier sur le fleuve, et qui sont pleins d'arêtes, immangeables. Du riz etc Une très bonne nuit.


Lundi 5 Novembre 1984

On se lève tôt.
Il n'y a plus de café en poudre. Il faut boire du chocolat et du lait en poudre, et manger ce qu'il reste : de la Vache qui rit.

Dernière étape de navigation sur l'Oubangui. On s'arrête à Zingha pour les formalités de douane, qui furent plutôt rpides, et une visite aux WC publics derrière les paravents de la place du village.

On repart.

RETOUR À BANGUI

Cette étape fut bien courte : à 9 hres on arrivait à Bangui. Re-formalités de douanes au port, après avoir déchargé les sacs à dos sur le quai. On dit au-revoir à notre bateau. On marche à pied jusqu'à l'hôtel. Et voilà que juste à l'arrivée, l'anse de mon sac à main craque. Il était juste temps d'arriver à destination, il aura tenu jusqu'au bout !

A l'hôtel, ça barde, car nos chambres ne sont pas réservées. Le responsable français du Point à Bangui, est rentré de vacances. C'est lui qui se dispute avec les hôteliers maintenant ! Ça suffit les soucis pour nous.

Pendant ce temps, on se précipite dans le jardin vers un super petit déjeuner du rock Hôtel, dont on a rêvé pendant toute la matinée. papaye, café au lait, croissant, baguette, beurre, confiture, comme c'est bon !

Un message de Claudine nous attendait. Elle est passée à l'hôtel voir si on était rentré. On était censés rentrer Dimanche, hier, et elle avait du réservé un restaurant pour nous hier soir !

Les vendeurs de cartes postales nous assaillent. Ils connaissent par coeur les arrivées et les départs des avions du "Point", et ils savent que c'est le dernier moment pour expédier nos cartes postales. Les cireurs de chaussures aussi accourent. Certains se font nettoyer leurs gros godillots de marche, qui ont tous un air répugnant de saleté et de puanteur, et les chaussures reviennent comme neuves, mais ce n'est pas bon marché.

Nous récupérons nos chambres. Chacun se débrouille avec la réception pour avoir une chambre avec vue sur l'Oubangui. Puisque cette fois-ci, c'est nous qui payons nos chambres, on peut bien choisir ! Mais ce n'est pas donné non plus. Notre chambre coûte 170 F CFA, c'est à dire 340 FF pour deux. A Bangui, on a dépensé un argent fou en deux jours, entre l'hôtel, les restaurants, et les taxis.

Nous avons des chambres superbes. Roselyne et Bertrand ont une immense chambre (la 309) qui donne au dessus de la piscine (et de la boîte de nuit...). Nous, nous avons la 417, nous sommes un peu en retrait de la piscine, que l'on voit dans le coin, mais nous donnons sur le rocher (le seuil rocheux que l'on nomme les rapides de Zingha) et nous avons une vue superbe sur l'Oubangui et les pirogues qui passent sans cesse. C'est très romantique, avec des tons de couleurs rose.