République Centrafricaine
1984


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"Délivrance" ou le Voyage au pays des pygmées

Du 23 Octobre au 7 Novembre 1984

Marcher en forêt

circuit en Centrafrique
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Marche en Centrafrique
L'itinéraire de l'expédition

Vendredi 26 Octobre 1984

Ce que je vais porter sur mon dos

Avant de quitter le camp de base, on refait un tri de nos affaires, car on peut laisser des choses dans les maisons des villageois. Je laisse une partie de mes produits de toilette, pour n'emporter que ce qui sera nécessaire sur cinq jours de marche. J'emporte quand même un pull (et j'en serai bien contente de l'avoir).

En fait pendant les 5 jours de trek, j'ai utilisé :


1 pantalon de marche
1 chemise à manches longues
1 pantalon de rechange sec pour le soir
1 chemisette à manches courtes
2 paires de chaussettes pour la marche
2 paires de chaussettes sèches pour le soir (car on ne pouvait pas laver !)
1 bermuda qui sera bien agéable le jour où l'on sera de repos
Et le maillot de bain bien sûr.

Je n'emporte qu'une petite serviette de toilette, et laisse la grande serviette de bain au camp.

En chaussures, en plus des pataugas pour marcher, je prends une paire de ballerines plastiques pour me délasser des pataugas le soir.


Être avec tout ça, eh bien, le sac à dos fut quand même bien lourd à porter !

On constitue un sac commun pour les médicaments. Comme on a parmi notre groupe, quatre médecins, deux infirmières anesthésistes, une pharmacienne, et deux dentistes, on est plutôt parés.

On fait le tri de la nourriture aussi, pour n'emporter que ce qui est nécessaire pour cinq jours.
Deux bassines et deux jerricanes de 20 litres pour l'eau, plus le sel pour donner aux Pygmées.

Tout cela sera porté par les porteurs dans des hottes typiques, semblables à celles utilisées par les Pygmées, faites de lianes tressées, et qui se portent sur le dos, et retenues par une anse en écorce d'arbre qu'ils se passent sur le front.

Chaque porteur portait environ 20 kgs, ce qui est bien lourd.
Nous avions quatre porteurs pour seize personnes, c'était peut-être insuffisant.

Les tentes, nous les portons nous-mêmes.
Mais ce n'est pas lourd à deux : l'une prend les piquets démontés en trois parties et les sardines, et l'autre la toile (en nylon).

Le trek allait pouvoir commencer

Voilà, le trek allait pouvoir commencer, alors que le ciel se met à se couvrir, à devenir sombre...

Sous la pluie !

Ce fut notre première expérience de pluie équatoriale, qui devint par la suite... une habitude !
Là encore, on s'est habitué au rituel bien précis de la pluie qui va tomber. Le ciel se couvre, le vent se lève, la tornade fait rage, et d'un coup la pluie tombe en trombes..

Quand on voit ce ciel devenir si noir, on se dépêche d'emporter nos sacs et d'aller nous abriter avec les villageois dans leurs maisons. Des trombes d'eau descendent du ciel.Puis c'est l'accalmie. C'est toujours comme ça. Ensuite il pleuviotte.

Alors nous partons sous une pluie fine, nous pénétrons dans la grande forêt.
La pluie tombe mais est filtrée par les arbres, et ne nous mouille pas trop.

Traverser les marigots

Le premier choc a été la rencontre avec notre premier marigot. La hantise de la bilharziose !
Au début, on a retiré nos chaussures, nos chaussettes, pour traverser le marigot... pour ne pas les mouiller... par la suite on ne retirera plus les chaussures. On traversera en chaussures. En plus de la bilharziose, il peut y avoir les serpents aussi...



Traverser un marigot Traverser un marigot


Marcher dans la forêt

Ce que l'on appelle "les difficultés de la progression en forêt" prend maintenant tout son sens.

Le terrain est plat mais jonché d'obstacles. Tantôt des troncs d'arbres tombés au sol, qu'il faut soit franchir à califourchon, alors que le poids du sac à dos vous entraîne vers l'arrière, soit s'accroupir, toujours avec ce sac à dos, pour passer en dessous. Tantôt des lianes tellement enchevêtrées, qu'avec la largeur du matelas Korimat attaché en bas du sac, on se retrouve complètement coincé, ou aussi qui vous accrochent les cheveux, ou aussi qui rebondissent comme des élastiques, et il faut faire attention pour ne pas éborgner celui qui vient derrière. Certaines sont très épaisses, presque des branches, et j'ai regretté de ne pas les avoir testées en tant que balançoires, tout comme Tarzan, mais on ne pouvait pas s'arrêter pour s'amuser, autrement on perdait le groupe.


Marche en Centrafrique Marche en Centrafrique


On marche en file indienne, et comme il y a ceux qui marchent vite, et ceux qui ne marchent pas vite, on s'espace pas mal.
On se guide alors à la voix "oh oh !!!" et réponse "oh oh !!!". Et on entend si la voix vient de droite ou de la gauche.

A chaque croisement, dès qu'il y le choix entre deux pistes, on crie "à droite" ou "à gauche" pour ceux qui sont derrière.

La piste n'est pas évidente à voir. Il faut avoir des yeux d'Africain ou de Pygmée, pour la voir. Mais peu à peu, au bout de quelques jours, on finit par voir comme eux. Quoiqu'il suffit d'avoir l'esprit qui vagabonde, de penser à quelque chose d'autre, ou de fixer son regard ailleurs, pour tout à coup se dire "Mais où est-elle passée ?".

La piste c'est plutôt un sentier, on l'appelle la sente, percé au milieu des sous-bois, des fourrés. parfois c'est un chemin percé par le passage des éléphants au milieu des lianes. Souvent elle devient invisible à nos yeux. Nos guides ont une machette pour se frayer parfois un chemin au milieu des lianes, mais surtout pour "marquer" la piste pour les suivants. Pour cela, on casse les arbustes dans le sens de la marche, ou on fait des signes sur les arbres.

Comme difficultés traîtresses, il y a aussi ces horribles racines qui sortent du sol, en forme d'arceau, et dans lesquelles on se prend le pied, et on trébuche. Chutes et glissades sont fréquentes.les pieds se tordent, et ces affreuses racines se trouvent toujours là après qu'on ait franchi un tronc d'arbre difficile, si bien que venant de franchir un obstacle, on ne pense pas si vite à en retrouver un autre. Et vlan, il y a une racine au pied de l'arbre couché, et on se prend le pied dedans !

Il y a aussi les lianes qu'on attrape à pleines mains pour se retenir en franchissant un obstacle, et qui se révèlent être d'affreux épineux qui vous abandonnent leurs épines dans la main.

La forêt est un lieu de contraste entre l'ombre et la lumière. Parfois on marche en plein sous-bois, et parfois le soleil à percer au travers des arbres et des lianes et donne des contre-jours et des verts incroyables de beauté.

Par contre, la bonne odeur de nature que l'on s'imaginait humer nous a bien déçus. la forêt ne sent pas bon. une odeur de bois pourri très spécifique, de moisi, une odeur qui envahit jusqu'à nos propres vêtements, nos sacs, et nos chaussettes ... n'en parlons pas ! Au point qu'à la fin du voyage, j'ai laissé en Centrafrique pas mal de mes vêtements de trek tellement cette odeur était devenue une obsession.

Non il n'y a pas de grosses bêtes...

Une autre déception, dont on a été en un sens ravis, c'est l'absence d'animaux. On avait quand même un peu peur des rencontres qu'on pouvait faire, et évidemment on en rigolait, tout en y pensant au fond de soi. Et là, aucune grosse bête, pas d'éléphants (quoique un jour, l'un de nos porteurs nous signala qu'un éléphant venait de passer car les branches étaient fraîchement coupées). Même pas des gazelles, ni de singes. L'explication, c'est sans doute qu'on faisait beaucoup trop de bruit en marchant.On discutait sans cesse, on lançait des "ouh ouh" sans arrêt, et même le bruit de nos pas n'était pas de toute discrétion.

Les seules rencontres que l'on faisait étaient les scolopendres (c'était la saison paraît-il) mais inoffensifs, et les fourmis.Qaund on arrivait au niveau de l'armée des fourmis, on passait à toute vitesse en crabe, c'est à dire les pieds écartés de chaque côté de la sente, et en courant.

On avait bien un fusil avec nous, ce qui nous sécurisait, mais il servait principalement pour la chasse... pour nous tuer quelque gazelle pour agrémenter les repas.

Le sac est trop lourd et la marche est trop rapide

Outre les conditions naturelles qui font que la marche en forêt n'est pas facile, le poids du sac à dos est un lourd handicap. En début de journée ça va, mais, en fin de journée, il tire sur les épaules, et je cherchais en vain de passer le poids d'une épaule sur l'autre, et de la ceintures aux épaules, en tirant ou en relachant les sangles. En plus, il déséquilibre vers l'arrière quand il faut escalader des trons, et il devient d'une largeur handicapante, avec le matelas en mousse roulé et passé au travers, quand il faut se faufiler entre les lianes.

Quant à l'allure de la marche, n'en parlons pas...! Les porteurs et les guides africains font un marathon ! Et ils le font avec des sandales en plastiques, des shorts et des pull à manches ! Ils foncent, ils sautent les obstacles, un train d'enfer, et nous disent toujours "IGOUé, "IGOUé" c'est à dire "On y va". Ce mot retentira longtemps dans notre tête ! Il paraît qu'ils n'avaient jamais vu de groupe qui marchait si lentement !!

La terre a une couleur légèrement ocre par endroits mais rarement et est surtout d'un brun foncé.

On est surpris par de gros trous que l'on rencontre sur les côtés des sentiers, et qui semblent être comme de grands pièges pour y faire tomber les animaux. Mais l'un de nos guides nous dit que c'est un Allemand qui creuse la terre et l'envoie en Allemagne
-- curieuse réponse --.

Il y a aussi beaucoup de champignons sur notre chemin, beaucoup doivent être vénéneux, seuls les hommes de la forêt le savent.