"Délivrance" ou le Voyage au pays des pygmées
Du 23 Octobre au 7 Novembre 1984
Le camp de base
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![]() L'itinéraire de l'expédition Le camp de base Campement n°2 sur la carte |
Jeudi 25 Octobre 1984
Je commence à ne plus savoir quel jour on est, quelle date on est. Je vis au rythme de la nature, du soleil, de la nuit, de la faim et du sommeil. oubliées toutes les structures sociales pour ne plus rien faire d'autre que vivre et agir en fonction des circonstances, en oubliant tout ce qu'on a laissé derrière.
Le matin, on prend le petit déjeuner (il y a encore du pain !) et re-corvée d'eau pour le café.
Puis on démonte les tentes.
Un tampon sur les passeports
Nous reprenons le bateau et descendons encore un peu l'Oubangui. Au confluent de l'Oubangui et de la Lobaye, se trouve, ZINGHA, le poste de douane où il faut faire tamponner les passeports. "Zingha est le lieu de rupture de charges aux basses eaux, le seuil du rocher de Zingha interdit ce passage".
Louis-Marie prend tous nos passeports pour leur faire apposer le gros tampon rond "Vu au passage de Zingha le..."
Pendant ce temps, on va visiter les WC publics sur la place : un trou entouré de paravents de paille, des WC habituels de Centrafrique.
Puis nous allons boire une bière, une mousse comme dit Bertrand, au café Saint Raphaël. La "mousse" a eu une importance des plus considérables pendant ce voyage, le ravitaillement en mousse devenu le problème capital à résoudre. Quant au soda, il était encore plus difficile à trouver...
Sur le chemin de retour vers le bateau, on trouve des oranges à acheter, moins chères qu'à Bangui.
On revient avec un cageot de bières et un sac d'oranges, sous une chaleur très forte.
Navigation sur la la Lobaye
La barque repart. Au bout d'un moment de navigation, nous abandonnons l'Oubangui pour prendre un autre bras de fleuve : c'est la Lobaye ! affluent de l'Oubangui, qui est lui-même un affluent du grand fleuve Congo.

Le paysage se transforme : le vert des rives est plus profond, on entre dans la région de la forêt équatoriale. Le long du fleuve, sur les rives, de curieuses flèches blanches attirent mon attention. Ce sont des flèches qui servent d'indicateurs pour la navigation, qui signalent les chenaux à emprunter, et les bas fonds. On trouve cela partout en Afrique.

On croise quelques rares piroguiers, et, ce qui est typique sur la Lobaye, de grands radeaux qui transportent des troncs de bois. Il y a aussi, ça et là, un grand bateau pousseur, d'où les gens nous saluent.
Les rives de la Lobaye ne sont pas monotones. la végétation y est étonnante, et les grands oiseaux en haut des arbres captent notre attention. On rencontre également des toiles d'araignées géantes comme un voile accroché aux branches au bord de l'eau.
LE CAMP DE BASE
Arrivée au camp de base, ou Camp des Caféiers, surnommé ainsi par nous, parce que, au lieu de nous installer là où les villageois nous le proposaient, nous avons aperçu un terrain d'herbe bien verte, et certainement plus moelleuse que le sol de sable dur de la place du village, et nous leur demandons de nous installer à cet endroit... au milieu des caféiers.
Le village est constitué de quelques maisons seulement. En RCA, il n'y a plus de cases, les villageois ont depuis longtemps abandonné la case pour la maison style européenne, faite de bois et de briques comme ici, recouverte de feuilles de palmiers, ou... de tôle ondulée... Il n'y a que les Pygmées qui ont conservé l'habitat de cases traditionnelles.
Ce village est situé à l'orée de la forêt, et au bord de la Lobaye. Il sera notre camp de base, de départ et d'arrivée du trek. C'est là aussi que l'on recrute les porteurs, deux villageois, dont Achille, un type épatant, dont on connaîtra bien la famille, sa femme, ses deux petits enfants. Il y a aussi deux Pygmées, qui eux, connaissent très bien la forêt et la région. Les Bantous aussi connaissent bien la forêt, car quand ils vivent au village, ils y vont chasser tous les jours.

On nous dit qu'on peut se baigner dans la Lobaye, car elle n'est pas contaminée. Des prélèvements réguliers sont effectués par des scientifiques, et le prouvent... Moi, méfiante comme toujours, je décide de ne pas y aller, et me contente de mon spray d'eau d'Evian et de mon tonique pour faire ma toilette.
Dîner, puis de nouveau, installation sous la tente. Une fois encore on a des suées, on a transpiré tellement on se remuait là dessous. Et la tente était trempée, au point que nos corps étaient trempés parce que la toile de tente nous tombait dessus.