République Centrafricaine
1984


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"Délivrance" ou le Voyage au pays des pygmées

Du 23 Octobre au 7 Novembre 1984

Marcher dans les marigots - Nos tentes inondées !

circuit en Centrafrique
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Marche en Centrafrique
L'itinéraire de l'expédition - Campement n°4 sur la carte

Samedi 27 Octobre 1984

Petit déjeuner sous le regard des villageois, notamment les enfants. On est l'attraction du village.

Pour nous, ce matin, l'attraction c'est un pangolin, un curieux animal avec une peau en écailles comme une carapace, et une longue queue, comme celle d'un renard, qui se nourrit de termites et de fourmis. Il grimpe au pied d'une chaise et s'enroule sur lui-même pour se mettre en boule.

Nous faisons la distribution d'eau pour chacun, dans nos gourdes, à partir du gros jerricane "chloronozé", et nous partons.

Les marigots

Encore un marigot couleur de rouille. Au premier qu'on a traversé, on a fait une sale tête. A la fin de l'expédition, on en rigolera.
Au point où on en sera !!! Dans ces marigots, on trébuche aussi sans arrêt car le fond de l'eau est aussi recouvert de bouts de bois, de branches, de racines. On n'a même pas pensé une seconde qu'il pouvait y avoir des serpents... et il pouvait y en avoir.


On trébuche dans les marigots
On trébuche dans les marigots


L'ennui avec ces marigots, c'est que sans parler de la bilharziose, il n'est pas drôle du tout d'avoir les pieds trempés ainsi que les chaussures, et de faire floc-floc en marchant. Et, quand, les chaussures et les chaussettes commencent à être sèches, voila, qu'on retombe face à un nouveau marigot ! Et il faut se re-mouiller. On aura des fois de l'eau jusqu'aux genoux.

Un jour j'ai posé la question à Honoré au sujet de la bilharziose. D'après lui, les eaux ne seraient pas infectées. Il était du pays ... je me faisais un plaisir .. à le croire ! A vrai dire ce sont les eaux de pluie qui ne peuvent s'évacuer, qui emplissent ces marigots, et elles sont en cette saison bien ... renouvelées. Ce ne sont pas vraiment des eaux "stagnante". Enfin, il vaut mieux se donner de bonnes justifications pour garder le moral, car de toute façon il faut y passer, on n'a aps d'autres choix, on ne va pas rester au milieu de la forêt !

Pause déjeuner

Au bout de deux heures environ de marche, on s'arrête en pleine forêt pour déjeuner. Le matin, la marche, ça va toujours. Là, on prend le temps de faire un bois de bois, et Honoré nous prépare un repas de poissons achetés au village où nous avons dormi la nuit dernière. Il n'est pas évident de s'asseoir par terre parce qu'il y a... des fourmis.


déjeuner

La chasse aux papillons

Pendant ce temps, Bertrand a commencé à s'adonner à son occupation préférée pendant cette expédition (en dehors de la désinfection des plaies et la recherche de la "mousse" (le bière)... c'est la chasse aux papillons. Il a emporté avec lui le matériel adéquate : une boîte en verre dont le bouchon est rempli de chloroforme. Il faut dire que la Centrafrique est réputée pour être l'un des pays d'Afrique des plus peuplés en papillons. Au point qu'il y en a même sur leurs timbres !

Il y a une chose que Bertrand n'a pas emportée, c'est le filet à papillons. Alors il utilise sa casquette bleue américaine, aérée par des trous, pour attraper les papillons. C'est assez cocasse.

On marche

Nous repartons. Le re-démarrage est toujours très difficile. On emprunte des chemins envahis par les lianes. On marche à nouveau deux heures. Claude peine. cela fait trois jours qu'il ne dort pas à cause des ronflements de François, avec qui il partage la tente.

Vers 15 hres, on s'arrête en pleine forêt dans une clairière qui a du être autrefois un campement pygmée, puisqu'il reste deux abris faits de rondins de bois, sous lesquels nous nous écroulons. C'est là que nous allons bivouaquer.

Nous sommes actuellement en train de nous déplacer en direction de la frontière avec le Congo, perpendiculairement, donc, avec la Lobaye. Pour atteindre les villages pygmées, il faudra deux jours de marche. Il faut donc faire un bivouac en plein milieu de la forêt, pour couper l'étape en deux. Là où nous sommes, maintenant, il n'y a pas de Pygmées dans les environs, ils sont beaucoup plus bas.


LE CAMPEMENT

Nous montons les tentes. Maintenant nous avons pris l'habitude d'installer notre tente à côté de celle de Josette et Marie-Hélène, car on commence à perdre des "sardines" et on fait "sardines communes avec elles au milieu des deux tentes.

Il y a un petit marigot près du camp et certains y vont faire une toilette.

Nous faisons sécher nos vêtements sur les abris de branchages. le spectacle des vêtements pendus partout est toujours surprenant à chaque camp. Nous faisons encore sécher nos chaussures auprès du feu de bois. Chaque soir ce sera la même chose. Et jamais elles ne sèchent complètement. les chaussettes, n'en parlons pas, elles puent l'odeur des marigots, et la couleur des chaussettes de tennis en éponge blanche a tourné à la couleur rouille.

Un dîner de gazelles

Nos pisteurs ont chassé trois gazelles pour le dîner. Il paraît que pour les attraper, ils marchent sans faire de bruit et quand ils voient deux points brillants, ils tirent au milieu, c'est à dire au milieu des deux yeux.

Et ce soir on a mangé de la gazelle. Ils la font d'abord boucaner, c'est à dire qu'ils la jettent dans le feu pour la faire carboniser. Ce qui permet de la conserver et de la transporter quelques jours. C'est un moyen de conservation très pratiqué en Afrique, pour le singe aussi.

Je goûte à la gazelle, que l'on mange avec du couscous. mais je n'ai qu'un gros morceau avec beaucoup d'os et peu de viande. Enfin, c'est mangeable, c'est un peu filandreux comme du boeuf bourguignon, mais plus dur, et non cuisiné avec du vin...



Dîner


Nous sommes tous assis sur un grand tronc d'arbre, à l'orée des feuillages, et tout à coup, un grand bruit se fait entendre derrière nous. Il fallait voir à quelle rapidité, on s'est levé en poussant des cris. Nous, on a cru que c'était un animal, tellement le bruissement des feuilles était fort. Pour Honoré ce n'a été qu'un arbre qui venait de tomber.

Une nuit bouleversée par la pluie

Bouleversement dans la répartition dans les tentes. Claude, ne pouvant plus dormir à cause des ronflements de François, a décidé de partager la tente de Didier et de Bernadette, qui était une tente pour trois en fait. Mais Didier, lui, alors, décide de quitter la tente pour aller partager avec les jumelles de Lyon, une autre tente de trois, jusqu'alors occupée par elles-deux seulement.

Mais la nuit fut plutôt bouleversée. Après les plaisanteries d'usage, on est rapidement rentré sous nos tentes après le dîner, en ayant soin d'enlever les vêtements qui séchaient, et qui commençaient à se re-mouiller avec l'humidité de la nuit. La pluie semblait menacer, une chaleur très lourde, qui nous inquiétait, et pourtant le ciel était rempli d'étoiles. On la sent venir cette pluie. La tornade se lève. Et à peine couchés (je venais de prendre un somnifère et je commençais à me calmer)... l'énorme bruit de la pluie a retenti. Des trombes d'eau s'abattent sur notre tente.

Ce soir-là, ce fut la panique. On ne savait pas quoi faire. On a commencé par vite ranger les duvets dans nos sacs à dos, ainsi que le maximum des affaires qu'on avait sorties. Puis on a saisi la cape imperméable et on l'a mise au dessus de nous. On reste stoïque.

Mais là, on se rend compte que l'eau qui nous mouillait ne rentrait pas par le haut, mais par les côtés de la tente. C'est là qu'on découvre que les tentes ne sont pas étanches. Non seulement la toile se plie et se mouille sous le poids de l'eau qui tombe, mais voilà qu'au niveau des coutures du tapis de sol, l'eau pénètre aussi, et commence à former des rigoles à l'intérieur. Mon matelas Korrimat commence à se mouiller ! On se demande ce que font les autres à l'intérieur de leurs tentes, car on ne les entend pas.

Alors on prend une décision. On plie au plus vite les affaires, on défait avec pas mal de difficulté le morceau de moustiquaire épinglé à l'entrée, bien accroché avec les épingles à nourrice, j'enfile ma veste de pyjama, et mes plastiques en plastique, et on décide d'aller se réfugier sous l'abri en bois. On sort avec toutes nos affaires : le sac, les pataugas, à la main, en vrac, n'importe comment...

Et voilà qu'on retrouve dehors, Claude et Bernadette... eux aussi sortis de leur tente.

.... Encore une nuit sans sommeil !

Claude avait emporté avec lui une grande bâche en ciré, imperméable, et c'était une très bonne idée.

Peu de temps après, François sort de sa tente en maillot de bain, un énorme sac poubelle à la main, où il avait mis toutes ses affaires. ça aussi une bonne idée.

Nous avons appris, ainsi, à nos dépends, qu'il ne suffisait pas de rentrer nos affaires dans les sacs à dos, mais qu'il fallait tout envelopper dans des sacs poubelles, car tout fut trempé, à l'exception de mon duvet qui lui se rangeait à l'intérieur d'un sac coulissant imperméable à l'intérieur de mon sac à dos.

François, en slip de bain, grelotte. Moi aussi je grelotte, en veste de pyjama, car elle est complètement trempée. Une seule solution, la retirer, et enfiler un pull-over. (D'où la nécessité d'avoir un pull-over sous l'équateur ..). Sortir le pull du sac, sous une pluie battante, n'est pas aisé. Le pull est sec et chaud. Je m'emmitoufle dans ma cape imperméable, mais la pluie me mouille quand même, surtout sur le visage.

On essaye de dormir, là, sous l'abri. C'est impossible. Alors, dès que les trombes d'eau se calment un petit peu, je décide de les planter tous là, et de retourner sous ma tente. J'arrive à récupérer mon duvet non mouillé, et comme Micheline, ma compagne de tente, elle, est restée sous l'abri de bois, je peux me coucher au milieu de la tente, sans toucher les rigoles d'eau qui subsistent sur les côtés. Dans la chaleur de mon duvet, j'ai au bout du compte bien dormi.